Promenade
Nantes - Site des Fonderies de l'Atlantique - 18 juin 2014
On a rhabillé en jardin exotique la fonderie fermée. Agaves et cactus étirent dans la limaille leurs lames et leurs pointes. Des badauds se promènent, admirant les yuccas, parmi les machines muettes, pensives comme des dieux éteints. On a logé sous les piliers des jeux pour les enfants, une piste de skate, quelques bancs d'amourettes
Il n'y a pas si longtemps, pourtant, qu'ici le fer coulait comme la lave, dans un fracas d'éruption.
Que des ouvriers transpirants versaient le métal en feu dans des moules en forme d'hélices de navires.
En l'an 2000 encore.
Sous les hauts plafonds de métal ajourés de palmiers, les skateurs vont et viennent. Mais la vieille aiguille arrêtée dans sa rouille ne reviendra plus jamais sur l'encoche du départ.
Devant la vieille halle éventrée relookée réhabilitée, sur le mur de graff officiel et municipal, un peintre a signé crûment sa fresque :
Un jeune sans doute, un sans X-périence, un anonyme, un X, vie rayée par les statistiques. Peut-être le fils d'un ouvrier d'ici qui n'aurait pas coché les bonnes cases à l'école, et qu'on aurait laissé pourrir avec le Clemenceau.
Au rez-de-chaussée du grand immeuble neuf qui ombrage la halle d'un profil de Babel, un restaurant s'est installé. A la terrasse on boit et on bavarde dans le soleil de juin, sans prendre garde à la poulie très noire paralysée au-dessus d'une fosse enherbée.
Soudain un homme dit, très fort : "Et hop ! voilà, d'un coup, comme ça !"