Presque rien
—Hier nous étions le 27 février...
—A quoi bon le rappeler ?
—Je marchais dans la rue...
—Certes...
—Il y a eu dans le vent froid un souffle de soleil. Soudain je me suis arrêtée. J'avais vu ces deux fleurs, qu'en photo j'ai cueillies...
—Vous n'aviez rien de mieux à faire ?
—... ces deux fleurs de l'été surgies en plein hiver...
— C'est que le climat change, que les saisons s'effacent. Et puis il a tant plu.
—... ces deux fleurs du trottoir, venues au pied d'un arbre maigre, tout près d'un hôpital...
—Nous l'avons assez vu, votre triste quartier... Montrez-nous les merveilles, les monuments et les musées, les jardins et les magasins, les beaux quartiers, au moins !
—... c'était comme un bouquet de joie, qui aurait poussé ses pétales dans le sombre et le sale.
—Un bien maigre bouquet. Devant ces grilles d'hôpital, sur votre trottoir sale, vous avez dû en voir, dites-moi, des malades, des mendiants et des misérables ? Si vous ne voulez pas parler des beautés de la ville, parlez-nous d'eux, alors. Soyez utile à ceux qui souffrent. Oubliez donc vos fleurs.
—Elles leur étaient si librement offertes...
—Deux fleurs toutes petites !
—Il est si grand, le tout petit bonheur que l'on n'attendait pas.