Prélude
Quelqu'un avait sorti un piano sur le trottoir. Un de ces vieux pianos droits dont d'habitude on joue solitaire, dans une pièce close et un peu sombre, face à une tapisserie fanée. "Jouez !" disait une affichette posée sur le couvercle.
C'était un accordéoniste tzigane qui m'avait guidée jusque là. Il jouait une valse en marchant, m'entraînant de son pas dansant, guidé lui-même par les notes du piano. Puis il a bifurqué dans une autre rue, et j'ai entendu nettement le pianiste.
Vêtu de sombre et voûté, il paraissait absorbé dans son jeu.
Il s'était lancé dans une sorte d'improvisation hachée. Il commençait un morceau. En commençait un autre. Un autre encore. Ils se ressemblaient tous un peu, sans jamais être tout à fait le même. Dans ce flux surgissaient parfois des bribes de mélodies si neuves qu'on en frissonnait d'émotion, avant que ne reprennent les premières mesures déjà connues d'un morceau précédent, pour une variation nouvelle.
Une phrase de Jankélévitch sur les Préludes de Chopin m'est revenue tout à coup en mémoire : "Prélude? Prélude à quoi ? prélude à rien... 24 Préludes, préludes à rien, préludes, et voilà tout... "
En effet, il préludait, ce pianiste solitaire au milieu des passants.
Comme tout créateur il en était toujours au commencement. A l'instant où tout est beau parce que tout démarre. Et où l'on sait déjà qu'il faudra tout recommencer. Parce que l'élan qui a voulu le commencement ne pourra jamais accepter la fin. Une petite pluie fine commençait à tomber. Et c'était comme une autre mélodie qui serait née ailleurs, un peu plus haut, un peu plus loin, comme un autre prélude. Un couple est passé, se tenant la main - des enfants presque tant ils étaient jeunes. Ils se sont arrêtés un peu pour écouter.
Puis l'accordéoniste tzigane est revenu, jouant une autre valse, tout près du pianiste qui l'a un instant accompagné. Le magasin, derrière le piano, s'appelait "A plein rêves". Sur l'enseigne il manquait un s - il manque toujours quelque chose à notre plénitude. "Prélude ? Prélude à quoi ? prélude à rien... prélude, et voilà tout..."
Comme tout créateur il en était toujours au commencement. A l'instant où tout est beau parce que tout démarre. Et où l'on sait déjà qu'il faudra tout recommencer. Parce que l'élan qui a voulu le commencement ne pourra jamais accepter la fin. Une petite pluie fine commençait à tomber. Et c'était comme une autre mélodie qui serait née ailleurs, un peu plus haut, un peu plus loin, comme un autre prélude. Un couple est passé, se tenant la main - des enfants presque tant ils étaient jeunes. Ils se sont arrêtés un peu pour écouter.
Puis l'accordéoniste tzigane est revenu, jouant une autre valse, tout près du pianiste qui l'a un instant accompagné. Le magasin, derrière le piano, s'appelait "A plein rêves". Sur l'enseigne il manquait un s - il manque toujours quelque chose à notre plénitude. "Prélude ? Prélude à quoi ? prélude à rien... prélude, et voilà tout..."