Pêcheurs du soir
J'ai toujours soupçonné que ces pêcheurs qu'on voit, le soir, immobiles et patients, sur la rive des vieux étangs, ne viennent pas vraiment capturer les poissons que le couchant appâte.
Mais qu'ils viennent pêcher
les nuages qui rôdent
dans leurs bancs de silence
le ventre bleu du ciel
grandi comme un têtard
dans l'étang qui infuse
la nageoire roussie
du crépuscule glissant
sur le dos gris des vagues
le saut de carpe vive
du soleil qui retombe
dans le filet des nuits
et cette ombre du temps mordillant l'hameçon
comme un frisson d'oiseau sur la peau de l'eau grise.