Passages
Passage Pommeraye - 14 novembre 2013
Jamais il n'a aussi bien mérité son nom, ce Passage, que depuis qu'on y fait des travaux. Chaque jour, dans la pénombre vague qui règne sous les bâches et les échafaudages, quelque chose se transforme, et l'on sait que l'on ne reverra jamais ce qu'un instant on a cru apercevoir.
J'ai vu des passants toucher les statues, chercher à les saisir, le soir, avant qu'on ne ferme les grilles, comme s'il était possible de retenir avec les mains ce qui s'en va sans retour.
C'est beau et triste, et la douce mélancolie qui est ici le génie du lieu s'approfondit rêveusement, d'un soir qui passe à un matin qui vient.
Ainsi cette statue qui représente, je crois, les beaux-arts, et qui m'avait toujours semblé lourde et commune, avec sa couronne de lauriers en épis, m'est-elle apparue, ce soir, sous le badigeon brun encore humide dont on venait de la recouvrir, aussi légère et cruelle que l'aiguille des heures valsant au bras du temps. N'était-ce pas en effet aujourd'hui qu'elle s'apprêtait à poignarder amoureusement, avec son ciseau de sculpteur ? Car demain elle sera déjà une autre qu'elle ignore encore, blanchie de chaux peut-être, ou rebadigeonnée de sombre.