Parler aux plantes

Publié le par Carole

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De mon arrière-grand-mère, la mère de la mère de ma mère, je ne sais presque rien.
Juste cela : elle s'appelait Dussud et elle parlait aux plantes. Ce n'était pas une élégante fumant indolemment à sa fenêtre, mais une pauvre femme affairée à survivre. Les fleurs et les légumes de son petit jardin, les plantes endormies sur le buffet de sa cuisine, étaient le seul ornement de sa vie.
 
C'est étonnant, comme toute existence, même modeste, tend, d'un trait épique et pur, vers sa légende, se réduisant bientôt à quelques contours sombres ou dorés sur la toile fanée des mémoires survivantes -. Avant de disparaître tout à fait, quand on disperse les derniers souvenirs dans la grande liquidation des derniers enterrements.
 
Ainsi, pour moi qui ne l'ai pas connue, cette Suzanne Dussud, mon aïeule, a la silhouette embrumée de lumière des mirages lointains, aux oasis que parfument les vents chaleureux. De hautes vignes douces et des haies de tomates, des parterres de groseilles, d'étranges coloquintes grandissent autour d'elle en grappes lourdes et rondes, bercées par la musique de sa voix - qu'elle avait, je crois, vert espérance et bleu de ciel - jaune souci et gris de larme aussi parfois, car vraiment la vie lui fut dure.
Voilà. Elle s'appelait Suzanne et elle parlait aux plantes. C'était il y a bien longtemps, comme dans les légendes.

Publié dans Fables

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A
Leur parler, Carole, et les écouter... Belle journée.
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C
<br /> <br /> Les écouter, elle savait le faire aussi, cette aïeule.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Les plantes, dont nous sommes si proches, lorsqu'on les sent nos amies.
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C
<br /> <br /> Comme les hommes, elles nous sont amies, ou ennemies, ou parfois tout simplement indifférentes. Nous vivons près d'elles et avec elles.<br /> <br /> <br /> <br />
C
De là où elle est, votre aïeule doit être heureuse de ces mots qui la font revivre, elle et son don merveilleux.
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C
<br /> <br /> Je l'espère... <br /> <br /> <br /> <br />
M
Une qualité rare aujourd'hui est de savoir écouter, alors parler aux plantes implique cette qualité d'écoute, qui semble venir des temps anciens. Je dirais aujourd'hui: prenons le temps, c'est ce<br /> qui nous fait avancer. et ce texte illustre bien la référence à des temps où le partage et l'écoute se faisaient avec la nature.
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C
<br /> <br /> C'est ce que je trouve si beau dans le paganisme, ou dans l'animisme, dont nous avons oublié les leçons pourtant ptofondes.<br /> <br /> <br /> <br />
P
Quelle délectation que ce texte !<br /> Evidemment, je fais partie des bavardes qui ne savent pas rester silencieuses devant la beauté des fleurs et autres habitants du jardin...<br /> Evidemment, je pense qu'elles ressentent mon amour pour elles, et souvent je me persuade qu'elles me font un signe et guident mes pas ... elles réclament mon attention...<br /> Mais je suis un peu folle................
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C
<br /> <br /> Passion, je te trouve très sensée au contraire ! <br /> <br /> <br /> <br />
G
Il y a celles qui parlent aux plantes et celles qui ont la main verte et ce n'est pas toujours les mêmes. Bon dimanche fleuri Carole
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C
<br /> <br /> Merci pour ce bouquet, Gérard !<br /> <br /> <br /> <br />
M
Finalement on ne garde du souvenir des gens que le meilleurs et c'est bien ainsi...
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C
<br /> <br /> Oui, les souvenirs s'épurent, c'est aussi ce que je voulais montrer dans ce texte.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Bon week end!
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C
<br /> <br /> Merci Emilie, à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
E
une belle réflexion, comme d'habitude, merci, Carole<br /> je crois que le roi Midas n'a guère aimé que les roseaux chantent au vent qu'il avait des oreilles d'âne
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C
<br /> <br /> Merci, Emma. Midas, c'est la petite touche de comique, comme tu l'as remarqué.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour Carole ! Encore une belle trouvaille que tu as travaillé avec excellence ! Ceux qui ont jardin et en sont amoureux doivent parler à leur flore et faune j'en suis certaine.... jill
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C
<br /> <br /> merci, Jill. J'espère en effet que beaucoup se retrouveront, eux et leurs jardins (ou jardinières), dans ce texte.<br /> <br /> <br /> <br />
R
Vous ravirait-il de savoir qu'au-delà des références grecques ou romaines de votre culture, il y aurait lieu d'évoquer ici l'Égypte ?<br /> <br /> Vous intéresserait-il de savoir qu'il était peut-être prémonitoire que votre bisaïeule parlât aux plantes ?<br /> <br /> En effet, à une fleur superbe, le lotus bleu, les Égyptiens donnèrent le nom de "sechem" ou "souchen", suivant notre prononciation approximative.<br /> <br /> Et que ce terme a traversé les siècles et les civilisations pour devenir, en français, le prénom Suzanne ...<br /> <br /> Vous étonnerez-vous encore, sachant cela, de cette connivence entre votre arrière-grand-mère maternelle et les fleurs ?
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C
<br /> <br /> Merci pour cette information, qui me ravit en effet !<br /> <br /> <br /> <br />
H
Les plantes aiment se sentir aimer. Elles savent l'amour, elles en sont si près.<br /> <br /> Il y a en effet des gens qui dessinent, discrètement sur la vie, un petit coeur avec un ruban auquel on se relie. Et on s'envole, chevauchant le parfum d'infini.<br /> <br /> Hélène*
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C
<br /> <br /> Merci pour ce beau commentaire, Hélène. <br /> J'ai repris le texte pour l'améliorer, comme je vous l'avais dit.<br /> A bientôt et merci encore pour ces mots vraiment magnifiques. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />