Les confessions (réédition revue)
Le confessionnal ne sert plus guère. Alors on y a tout bêtement rangé la pelle et le balai, les humbles objets qui servent à faire le ménage de l’église…
C'est amusant, se dit-on d'abord, et puis on y réfléchit un peu, car autrefois on a été cet enfant docile et pieux qui se rendait à confesse, et marmonnait ensuite, agenouillé sur le dallage froid, ses trois Avé et ses cinq Notre-Père.
Rares sont maintenant ceux qui viennent encore ainsi, à confesse, murmurer dans l’obscurité, aussi bien que les secrets qui étouffent, les angoisses qui rongent et les fautes qui hantent, les petits tracas du quotidien et les erreurs de chaque jour.
Sans doute le confessionnal a-t-il été peu à peu remplacé par les journaux intimes, par le divan des psychanalystes, par les consultations des psychologues et des psychiatres, par les émissions de Ménie Grégoire, par les psy-shows de la télévision, par les appels à SOS amitié, par Facebook et Copains d'avant, et même par les blogs, après tout…
Confessions impudiques ou très minces secrets, grandes et petites fautes, douleurs immenses, brèves égratignures, infimes vérités et mensonges éclatants... tant de misères, tant de paroles se pressent dans les gorges nouées. On n'en meurt pas toujours étouffé, mais je ne connais rien de plus douloureux qu’un cri silencieux, qu’un remords privé de mots, qu’un désespoir bâillonné, qu'une plainte étranglée, qu'une espérance tue.
Il faut qu’il y ait, quelque part, un endroit pour parler, et, en parlant, nettoyer son âme, la vider de ses cendres et la laver de ses scories, en dégager tout ce qui, à force de ne pas être dit, pourrit, salit, écrase, emprisonne - empoisonne.
Alors cette pelle à poussière avec sa balayette, au fond du confessionnal, ce n'est pas seulement amusant, c'est une idée très juste, une intuition profonde de la brave personne qui, là-bas, au village, se charge, quand elle peut, comme elle peut, de l'entretien de la vieille église.