Papiers
"Sur un campement tzigane
j'ai vu un homme
s'arracher les cheveux par poignées,
pour des papiers qu'il n'avait pas."
Alexandre Romanès
Ce petit bout de tract déchiré, collé là, "Papiers pour tous", avait l'air si bête, au milieu de tout cet amoncellement de papiers gras, de papiers froissés, de cartons écrasés, de déchets oubliés. J'ai sorti mon appareil.
Quand j'ai pris la photo, une dame qui passait a ramassé le gros sac de papier qui est devant, à gauche, et l'a posé là pour compléter. Des papiers, il y en avait tant autour de nous... on les poussait du pied pour pouvoir marcher.
Enfant, je connaissais une chanson que j'ai un peu oubliée : le refrain était "pirouette cacahouète", il y était question d'un drôle d'escalier en papier où le facteur glissait et se cassait le bout du nez.
Tant de papiers en ce monde.
C'est si bizarre, tout se change en papiers.
Ce qu'on mange, ce qu'on boit,
ce qu'on aime, ce qu'on est,
ce qu'on n'est pas, ce qu'on n'est plus.
Des papiers des papiers.
Papiers à jeter,
Papiers à conserver,
Papiers à convoiter,
Papiers à conquérir de haute lutte,
Papiers à brûler,
Papiers à ramasser,
Papiers à éditer,
Papiers à pilonner,
Papiers à tamponner,
Papiers à falsifier,
Papiers à quémander,
Papiers à refuser,
Et papiers à coller
pour demander
des papiers.
Et dans les rues des gens qui lisent des papiers, qui jettent des papiers, qui perdent leurs papiers, qui volent des papiers. Des gens avec les bons papiers, Des gens avec les mauvais papiers, Des gens avec des papiers sans valeur, et des gens sans papiers, inscrits dans des papiers, archivés dans des murs de papiers, que consultent des spécialistes en papiers. Papiers pour les vivants et papiers pour les morts, papiers pour les présents, papiers pour les absents, papiers pour le facteur, escaliers de papiers sans issue, escaliers de papiers qui s'effondrent. Un monde de papiers, un monde où tout ce qu'on a désiré se change en vieux papiers, un monde où l'on ne peut plus être que ce que d'autres ont écrit qu'on était, sur le papier qu'il faut. un drôle de monde.
Et dans les rues des gens qui lisent des papiers, qui jettent des papiers, qui perdent leurs papiers, qui volent des papiers. Des gens avec les bons papiers, Des gens avec les mauvais papiers, Des gens avec des papiers sans valeur, et des gens sans papiers, inscrits dans des papiers, archivés dans des murs de papiers, que consultent des spécialistes en papiers. Papiers pour les vivants et papiers pour les morts, papiers pour les présents, papiers pour les absents, papiers pour le facteur, escaliers de papiers sans issue, escaliers de papiers qui s'effondrent. Un monde de papiers, un monde où tout ce qu'on a désiré se change en vieux papiers, un monde où l'on ne peut plus être que ce que d'autres ont écrit qu'on était, sur le papier qu'il faut. un drôle de monde.