Rue Kervégan - Nantes
J'ai vu ce mascaron, long visage pensif, que m'indiquait du doigt, au cadran solaire de la rue, l'heure d'un couchant d'automne. Et j'ai aimé ce masque, qu'ombre et lumière se partageaient comme un coeur d'homme.
Ses lèvres impuissantes s'ouvraient pour boire au soleil de la vie, un bref reflet du soir piquait tout l'au-delà dans sa prunelle grise.
Il était jeune, il était vieux ; il était beau, il était laid ; il était pierre, il était or ; il dormait là, mais il rêvait plus loin.
Il souriait au monde, et il pleurait peut-être. Il aurait pu parler, s'il n'avait dû se taire.
Jamais il n'avait cru être qui il était ; jamais il n'avait su être ce qu'on croyait.
Il avait eu un nom que nul ne disait plus, comme nul bientôt ne dira plus le nôtre.
Il était simplement, à la porte du riche qu'avait ruiné la mort, semblable à tous les hommes.