Nourritures du dimanche
Vitrine d'une boulangerie - 1er avril 2012 - Quartier Doulon à Nantes -
"Le vivace et le bel aujourd'hui" (Mallarmé)
Le pain soleillant du jour, la musique angélique de Bach, et la fête endiablée des rues au carnaval de cet après-midi : toutes les nourritures, terrestres et célestes, étaient rassemblées dans cette vitrine du dimanche. Et le N à l'envers, dans son effort d'arc-boutant pour retenir une maison penchée comme une vieille église, mettait la dernière touche, involontaire et pourtant magistrale, à ce tableau naïf, chef-d'oeuvre boulanger d'art brut que n'aurait pas renié Gaston Chaissac, mon ami de Vendée.
C'était si bon et si joyeux que je me suis arrêtée pour admirer.
Et puis c'était si beau, c'était si simple aussi, que j'ai dit oui à tout.
Au rouge, au noir, au bleu du ciel et au jaune des blés, aux teintes diaprées de la vie,
à la chaleur de la mie, à la douceur du pain,
aux ciseaux de la boulangère, et à ses tendres coloriages,
à la rosace de l'harmonie, à la spirale des voix humaines, à l'or des chants et des vitraux,
aux grands chariots fous allant sous le soleil, au roi du carnaval couvert de confettis,
aux multiples saveurs du bonheur que chaque coeur pétrit,
j'ai consenti.
A tant de maladresse, à tant de savantes promesses,
à l'infini, au périssable, à l'humain, au divin, à l'idéal et au grotesque,
aux dons d'hier et de demain, et à toutes les grâces de ce bel aujourd'hui si vivace,
j'ai acquiescé.