Neptune
Il court sans cesse par la ville.
C'est lui qui éveille les zéphyrs parmi les princes et les esclaves, au fronton des palais d'armateurs.
C'est lui qui s'empare, blagueur et revanchard, du trident si souvent disparu de la déesse, place Royale.
C'est lui qui joue aux cartes dans l'ombre des bars du port, et lui qui lit la mort dans la paume des gamins ivres.
C'est lui le grand caïman qui jette Echidna dans les rues, et qui attend ses proies, dans les bouges de la Fosse.
C'est lui qui nous verse des cordes d'eau grise, chaque jour que Dieu fait sans soleil.
C'est lui, quand la marée descend, là-bas sur l'estuaire, qui tire les nuages comme un rideau mousseux sur le ciel nettoyé.
C'est lui qui agite la tempête sur les trois voiles du blason de la ville, c'est lui qui ouvre à coups de hache le flanc des barges emplies de condamnés.
C'est lui qui pleure et c’est lui qui console les noyés, c'est lui qui referme leurs yeux, à grain de sel et de sable de Loire, afin qu'ils nous pardonnent.
C'est lui qu’épie sur la butte Sainte-Anne le capitaine Nemo armé de son sextant.
Rasant l'écume à vol de mouette, il niche comme un moineau des villes au creux des vieux murs de négriers.
Marin en goguette et féroce pirate, est-il Ariel ou Prospero ?
Il est le capitaine à quai de cette ville - navire encalminé qui se languit du large.