Travaux
Nantes - Passage Pommeraye - 6 novembre 2013
Le Passage n'a jamais été aussi intéressant que depuis qu'il est en travaux. C'est comme si ce grand remuement des lieux, ces vastes échafaudages s'entrecroisant aussi confusément que les escaliers des gravures d'Escher, égarant nos regards et affolant nos pas, nous ramenaient à cette origine oubliée, à ce moment où le projet délirant du sieur Pommeraye, qui devait le ruiner, se mit à prendre forme dans la pierre, le métal et le stuc, encore incertain de lui-même. A ce commencement qui contient toute la vérité des choses et des vies, car il contient déjà tout ce qu'elles seront et il retient encore tout ce qu'elles ne seront jamais.
Ainsi, cet enfant au visage double, pour moitié décapé de sa patine, et pour moitié rebadigeonné d'ocre, avec son oeil encore vide et son regard déjà lucide, m'a rappelé ces sculptures de Rodin, où les êtres semblent naître de la pierre. Ce visage humain en train de se dessiner dans le visage informe, c'était comme le symbole de toute enfance, de toute création, de tout commencement.
Demain, sans doute, on aura tout à fait fini de le peindre, on ne saura plus.
Le Passage n'a jamais été aussi fugace que depuis qu'il est en travaux.
Marchant sur les planches instables, et cherchant mon chemin de barricade en allée obstruée, il me semble croiser partout le vieux sieur Pommeraye, courant sur le chantier labyrinthique, donnant des ordres à tous comme un capitaine au départ du navire, poursuivant ce rêve de pierre, de métal et de stuc qu'il voyait naître et lui échapper déjà, enfant merveilleux et étrange.