More living
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Au château de Blois, il y a aussi ce tableau, si extraordinaire, dans sa naïveté de vitrail : c'est une représentation, par un élève d'Antoine Caron, de la décapitation du grand Thomas More, l'inventeur du mot "utopie", qui avait eu le courage de s'opposer à Henry VIII.
Le peintre a montré simultanément deux moments bien distincts : celui de la marche au supplice, où le philosophe agrippé par un de ses disciples s'arrête devant nous, bien vivant, puis le moment de la décapitation, où déjà il s'engage dans la mort. Et ce qui est remarquable, c'est que la scène où il se tient vivant et aimé est placée au premier plan, tandis que celle de sa mort s'efface tout au fond, presque indéchiffrable et irréelle, tant les silhouettes du bourreau et de sa victime y sont minuscules et décolorées.
Et c'est vers le vivant, d'abord, vers celui que le disciple retient parmi les hommes, que s'en vont les regards. Chacun pose en passant sur lui un peu de son reflet, que la vitre retient pour un instant sans prix.
Il est toujours vivant, l'Utopiste, le vieux peintre naïf ne s'y est pas trompé, il ne peut pas vraiment mourir, n'est-ce pas, l'Utopiste, tant nous avons encore besoin de lui.
More alive. More living than ever, n'en déplaise aux puissants de ce monde.