Nuages
Cette année, mai fait ce qu'il lui plaît, mai ne veut pas être joli, mai ne veut pas être poli.
Artiste morose insatisfait, il peint et il repeint le ciel en camaïeux échevelés de gris. Démiurge sauvage, il dessine à grands traits tout là-haut les rudes cartes d'un monde déchiré où montagnes et banquises, gouffres et océans l'emportent sur les plaines. Terra incognita, terra nova, rudement hérissée, sombre, agitée, confuse et toujours nouvelle.
Je voudrais le maudire, ce vieux sorcier de mai qui nous refuse le printemps pour tourner dans le froid, revêtu de sa peau de mars, humant la tempête et secouant la pluie, modelant dans la glaise engrisonnée du ciel des paysages tortueux, des créatures bizarres, des rêves tourmentés...
Mais voilà qu'elles me reviennent, ces paroles de Baudelaire, voilà que je me souviens :
"- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent, là-bas, là-bas... les merveilleux nuages..."
Aimer la douceur bleue du ciel, le lisse et le joli, ce n'est rien. C'est aimer les nuages, les âpres, les étranges, les fous, les fugitifs, les merveilleux nuages, qui nous mène plus loin.