Lumières dans la nuit

Publié le par Carole

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    Il faut imaginer ce que fut, jadis, la terreur de la nuit, dans le cri des bêtes, dans la faim et le froid, pour comprendre aujourd'hui cette passion gaspilleuse qui nous conduit à enchanter de couleurs et de lampes les nuits de notre monde recréé par l'électricité.
    Le soir, tandis qu'au ciel les étoiles s'effacent, dans nos villes les ponts, les rues, les églises, les palais, les vitrines, et les fleuves anciens tout moirés de reflets, avancent dans le noir, sous nos yeux las ou éblouis, comme de grands paquebots, dans le clignotement très doux de leurs chaudes lumières. 
    Il y a pourtant des pays sans tours Eiffel illuminées, des villes éteintes, des banlieues sans réverbères. Il paraît même qu'on peut cartographier les richesses et les misères de ce monde en mesurant l'éclairage de ses nuits.
    C'est, du moins, ce qu'explique un petit article que je viens de lire avec beaucoup d'intérêt link (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/12/06/dark-side-la-nasa-devoile-des-cliches-de-la-terre-illuminee-dans-la-nuit/)
    On y découvre des clichés pris par le satellite Suomi NPP, et récemment révélés par la NASA, montrant la terre la nuit, avec ses lumières si inégalement réparties - comme le sont richesse et bonheur - d'un continent à l'autre.
 
Ainsi, ai-je rêvé,
ainsi, depuis l'espace illimité, voilà comment on la voit tourner lentement,
notre Terre,
portant sur ses épaules naines,
ses villes lumières et ses sombres déserts,
ses Champs Elysées et ses camps de la honte,
ses gratte-ciels de Manhattan, ses cartons gris de bidonvilles,
tant de vies flamboyantes, d'existences mourantes,
si mal cousues les unes aux autres.
Vue de très loin, la Terre est une étrange belle, en haillons de velours sombre piqués d'un peu de strass.
Et tous ces dieux, là-bas, qui veillent, ces dieux anciens des mondes anciens, ces dieux nouveaux du nouveau monde, et ces dieux à venir des mondes à venir, que peuvent-ils penser de cette brève planète, quand ils la voient de loin danser, minuscule élégante pailletée de brillants dans ses habits de ténèbres usées ?
Que peuvent-ils penser de cette trouble alliance
de l'ardente lumière et des lourdes misères,
de la terne fatigue et de la clinquante opulence,
sur ce navire sans pilote
qu'ils voient depuis si longtemps
tournoyer, clignotant,
au maëlstrom de l'infini ?
Que peuvent-ils penser,
sinon qu'un jour, 
bientôt, peut-être,
tout s'éteindra,
Titanics et radeaux,
mâts scintillants et trous à rats,
ponts en fêtes et cales de la faim,
vies triomphantes, existences étouffées,
tout tombera
en cendres,
en glaçons.
Tout.
Et qu'ils doivent le deviner,
les riches passagers,
et se sentir bien pauvres,
dans leur nuit, 
bien misérables, seuls et désespérés,
pour tant aimer,
tant rechercher,
les paillettes
et le strass,
la fête
et les lumières,
et si voracement
refuser
de les partager. 

Publié dans Fables

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L
HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE DAILYMONTION
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C
<br /> <br /> Oui, j'y pense. Je ferai peut-être un texte, mais je suis lente, et je me demande même si je vais continuer le blog... En attendant, vous pouvez mettre un lien dans un commentaire, mes lecteurs<br /> pourront ainsi se diriger facilement vers votre site.<br /> <br /> <br /> <br />
V
J'ai vu dernièrement un reportage sur l'arrivée de poteaux électriques (en rangs serrés comme à l'armée ;-) ) dans un village birman (pays coupé du monde si longtemps). C'était un moine bouddhiste<br /> qui apportait la modernité au village. L'émerveillement de ces gens était très touchant à voir car probablement semblable au nôtre, il y a un peu plus d'un siècle.<br /> Belle journée à toi Carole
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S
Un avant-goût de fin du monde ?<br /> Les déséquilibres ne sont-ils là que pour aspirer à l'équilibre ? Avec ce qui nous reste d'humanité, on peut l'espérer.<br /> Vous le dites fort bien, merci !
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C
<br /> <br /> Une humanité meilleure, peut-être.<br /> <br /> <br /> <br />
B
Que de gâchis, que de vanité en ce bas monde. J'aime de plus en plus me contenter de la lumière ancestrale d'un bon feu de bois...
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C
Bonsoir Carole,<br /> <br /> Me voici, une fois encore, sous le charme de tes mots et m'imaginant près de l'âtre, en compagnie des tisseuses d'histoires et des magiciennes qui se dévoilent au coeur de la réalité. Je songe<br /> souvent à ces nuits profondes, plus ténébreuses que l'Erèbe et à ces caprices de lumière qui papillonnent à la barbe du ciel! Il y a tant d'inégalités dans la répartition de ces insectes<br /> d'électricité... Trop d'une part et pas assez de l'autre... Que se passerait-il en cas de « black out » à l'échelle mondiale? Les terreurs ancestrales, instinctives, pulsionnelles,<br /> jailliraient-elles tout d'un coup, traversant nos pauvres âmes et nos véhicules de chair? Alors pourquoi gaspiller? J'ose croire que les esprits qui réagissent en ce moment continueront de le<br /> faire.<br /> Je te souhaite une belle nuit, dans la douce clarté des rêves...<br /> Amitiés<br /> Cendrine
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C
fort bien raconté et analysé
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C
<br /> <br /> Merci, Cafards - vous vous y connaissez en sorties nocturnes, je pense !<br /> <br /> <br /> <br />
M
J'admire comme tu peux réunir image et écriture. Je l'admire d'autant plus que je scinde toujours les deux.<br /> Ta photo est tellement belle que je la visualise comme dans la réalité et que j'en prends beaucoup de plaisir sans rêver.
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C
<br /> <br /> Merci, Michèle. Mais l'explication est déjà dans les photos : je crois que chez moi elles sont surtout "narratives". Quand je les prends je pense tout de suite à un texte. Tandis que toi tu es<br /> vraiment photographe.<br /> <br /> <br /> <br />
K
Ce sont ceux qui ne veulent (ou ne peuvent) pas se retrouver dans le noir, seuls face à leurs âmes, à leurs propres consciences et à leurs humanités essoufflées qui se sentent obliger d'allumer<br /> tout ce qui peut l'être. Ceux qui veulent sans cesse le tourbillon et les lumières pour fuir le face à face terrible avec eux même...<br /> Ce texte est très beau, merci de l'avoir partagé.
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J
Une photo, un texte, une poésie et de très beaux commentaires.<br /> Tout cela nous éclaire.<br /> Oui, la part d'ombre du monde est immense et Ma part d'ombre en est d'autant plus grande.<br /> Carole toi qui est photographe tu sais que la lumière a besoin de l'ombre pour exister et l'ombre est là parce qu'il y a de la lumière. Mais l'ombre grandit si vite que les lumières vacillent, la<br /> nuit n'est pas loin...<br /> Oh! mais non! regardez là-bas une petite lueur d'espoir.
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D
bonjour, inutile de te dire que c'est plaisant de voir ta "version".. ah qu'il faut donc que nous nous en posions toujours et encore, des questions...
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J
Un thème d'actualité en cette période de Noël, le partage des richesses et pourtant le monde tourne avec ses inégalités, indifférence et oeillères, et cela depuis les origines. Il est utile de<br /> réfléchir à l'absurdité des choses mais je doute que cela change vraiment. Et je trouve ce point de vue "des lumières", très original et frappant.
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M
Ces gens là n'ont qu'un ventre mais le regardent intensément tandis que leurs dents n'en finissent pas de pousser!<br /> Encore un superbe texte Carole et une planète saisissante.
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M
Le partage, un mot si simple, qu'on prononce sans jamais le faire vraiment ! Oublieux sommes-nous de la misère des autres. Tôt ou tard la nature reprendra ses droits et fera justice sur notre<br /> planète bleue. Amitiés. Joelle
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G
Passionnante cette petite vidéo de 1 mn 42 s , mais bon revenons sur terre, ta photo est belle aussi
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A
Les nuits de la Terre, éclairées d'étoiles, rien que d'étoiles quand les nuages ne sont plus, et que les vents cosmiques chevauchent la voie lactée...
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H
J'espère que ce jour, il y aura des étoiles vraies pour remplacer le faux. Des lumières dessinées par des coeurs qui seront transformés en lanternes d'amour. Et que ce sera beau!<br /> <br /> Hélène*
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M
Effrayant de penser à tous ces watts gaspillés pour éclairer nos villes en fête tandis qu'ailleurs il y a encore des pays où la nuit est aussi noire que... dans la nuit des temps !
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C
<br /> <br /> Il m'a semblé que ces photos le montraient de façon "éclatante" ! Un monde qui n'en finit pas d'être absurde.<br /> <br /> <br /> <br />
F
Bonsoir Carole,<br /> j'aime beaucoup ton introduction.<br /> Il est vrai que le lien nuit et terreur m'obsède en ce moment, peut-être à cause des longues nuits d'hiver.<br /> J'aime beaucoup aussi la photo.
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C
<br /> <br /> Fadaly, merci de t'être arrêtée sur mon blog. Mon introduction traduit une angoisse que j'éprouve moi aussi dans la nuit (et par exemple quand je fais des photos de nuit, comme ce soir-là). Je<br /> crois que nous avons du mal à échapper à ces terreurs ancestrales. Mais puisqu'elles nous constituent, autant y réfléchir.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Merci pour le lien, très intéressant.<br /> J'aime ton analyse de ce partage inégal de la lumière.<br /> Pourquoi a-t-on besoin de tant de lumières , est-on si malheureux ? si démuni ?<br /> Ne peut-on pas se suffire du soleil et des étoiles?<br /> Douce soirée, bises Carole
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C
<br /> <br /> Il faut se poser ces questions, quant aux réponses : à chacun de les donner... Moi, je crois que l'on n'a besoin de tant de lumières que pour se cacher la vérité.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Bonsoir Carole,<br /> Eh bien quel texte ! Je suis toujours impressionnée par ce que je lis chez toi.<br /> Les lumières de la ville deviennent une réelle pollution... J'avais lu dans les DNA qu'une loi avait été votée pour "obliger" les boutiques d'éteindre leurs lumières pendant la nuit. Je ne vois pas<br /> de différence pour le moment.<br /> Bises, bonne soirée et à bientôt j'espère !
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C
<br /> <br /> Moi non plus je ne vois pas de différence...  "words, words, words... ?"<br /> <br /> <br /> Merci, Naïs, à bientôt !<br /> <br /> <br /> <br />
N
Quel beau texte, encore! Et ce bras de grue, inquiétant... J'ai remarqué qu'à présent on les illumine d'une manière incongrue, ces grues!
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C
<br /> <br /> Ici, à Nantes, les grues sont partout (sur la terrasse d'où j'ai pris cette photo, j'avais en fait trois grues dans mon champ de vision). J'ai fini par intégrer à mon travail ces grues<br /> inévitables, après tout, "c'est beau une grue la nuit" : elles ont une grande force symbolique, immenses et si fragiles dans le vent qui les fait remuer, colorées, joyeuses mais inquiétantes<br /> aussi en effet, elles représentent bien nos "Babel"d'aujourd'hui, plus encore lorsqu'on les habille de lumière la nuit comme des tours Eiffel...<br /> <br /> <br /> <br />
C
La fée Electricité : une baguette pas si magique que ça.
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M
Carole ! Comme j'aime tes mots aux sens si profonds, les contrastes de toutes choses.. depuis la nuit des temps, mais plus visibles à notre époque ! Tout est dans la démesure et ce refus de<br /> partager nous entraînent vers une rupture à plus ou moins longue échéance.<br /> Cependant soyons optimistes .. !<br /> Avec amitiés je t'embrasse.<br /> Jeanne
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C
<br /> <br /> Dans cet article, j'ai trouvé impressionnant de prendre conscience à distance de l'inégalité, de "voir" de très loin, dans une sorte de froideur glacée,  ainsi ce que nous approchons tous<br /> les jours sans vouloir bien comprendre.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour Carole ! Ben oui au début de l'homme sans feu, la nuit de toutes les peurs, le soleil qui les quitte pour une lune moins performante... J'y ai déjà songé... Merci pour le lien... Un vrai<br /> sapin bleu de Noël notre Terre !<br /> De la lumière pour voir dans le noir belle invention, certes, mais aujourd'hui que de débauche là aussi, nous sommes visibles de loin côté martiens... Merci....
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C
<br /> <br /> Oui, j'ai imaginé les pensées de ces Micromégas lointains. Merci, Jill, à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />