Loto, journaux, passant

Publié le par Carole

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   En descendant du tramway, tout à l'heure, je me suis arrêtée, captivée, devant cette image parfaite que le hasard avait composée devant moi dans la rue - En un autre temps, on aurait parlé d'un tableau de genre, et on aurait aussi bien pu penser à un tableau d'histoire.
   Car il y avait là, en couleurs crues que saturait le soleil d'après-midi, en lignes nettes que soulignaient les ombres... tout... vraiment tout.
  Un quotidien de référence qui s'inquiétait doctement des grands enjeux géostratégiques et du trouble avenir de ce monde compliqué. Un magazine national prestigieux qui se plaisait à remuer, dans le coeur incertain de ses lecteurs d'élite, l'effroi de la grande secousse populaire vengeresse. L'énorme point d'interrogation vibrant d'angoisse, jeté vers l'avenir dans la lumière brutale. Le petit café ouvrier poursuivant avisé sa vie tranquille, proposant ses sandwiches au choix, et affirmant jaune et vert sa ferveur canari pour le football local. Cet homme pauvre, vieillissant, sorti pour remplir en fumant sa grille de loto, et qui, faute de pouvoir s'offrir un café à la terrasse, restait là, accroupi, concentré à l'extrême sur le choix si important des cases à cocher. Les sommes énormes du Cash et de l'Euro-millions, avec les numéros gagnants si rares qu'on les affichait sur la vitre, inaccessibles derrière le verre Sekurit gorgé d'obscurité. Les ombres, là-haut, qui commençaient à tomber sur l'enseigne. Et ce passant indifférent, qui venait d'en croiser un autre sans le voir, préférant lire de loin les gros titres de la presse. 
   "Un jour d'avril en France en 2013". Ainsi s'intitulait, je crois, ce tableau que le hasard-peintre avait composé, avec un soin extrême et une précision presque angoissante dans sa simplicité.
    Tout, je vous dis, il y avait tout.

Publié dans Nantes

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J
La vie a l'air de mélanger tout et son contraire. Peu-être pour nous dire que rien n'est joué mais à jouer. Bon dimanche Carole. Amitiés. Joëlle
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C
Un instant de vie qui remue le coeur et l'esprit... L'effroi qui fait danser les émotions par le regard et ta formidable acuité de photographe et d'écrivain.<br /> Souhaitons que les prochaines fleurs du Printemps ne s'épanouissent pas sur un terreau gorgé de sang...<br /> Beau dimanche Carole, amitiés<br /> Cendrine
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A
Peut-être que le joueur de loto se hâte de remplir son bulletin avant que le séisme engendré par la future révolution ne l'empêche de devenir millionnaire ?<br /> Comment un journal "prestigieux" en est-il arrivé, pour vendre et créer un climat anxiolytique, agiter dans l'esprit populaire d'aussi grosses bêtises : Sommes-nous en 1789 ?
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C
<br /> <br /> Un grand mélange de peur, de misère, d'espoir et d'indifférence.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Il n'y a plus que le rêve... et c'est dèjà beaucoup.. Ne dit-on pas que l'espoir fait vivre!
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C
Hélas, oui, tout ! Du pain et des jeux !
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A
Ton texte me fait penser à ces mots de Julos Beaucarne<br /> "Le monde est une triste boutique, les coeurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir, il faut reboiser l'âme humaine"
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M
Le monde en raccourci. Bien vu, bien ressenti Carole.<br /> En contemplant cette photo, je me dis que je suis bien au coeur de mon jardin à baigner mon âme de beauté florale. Me couper , pour un instant de tout cela.
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V
J'ai rêvé dessus, en toute innocence... Merci de ta précision !
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V
Presse/Loto... Et l'on croirait lire la "Beau-Joie" (le "r" y ajoute un genre d'infinitif, comme s'il s'agissait "d'être bien joyeux"). Oui, tu as raison, il y a là tout un univers en raccourci...
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C
<br /> <br /> Valentine, je précise que La Beaujoire est le nom du grand stade de foot de la ville. J'aime bien ton interprétation du nom cependant, et je m'en souviendrai.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Tout est dans la photo et quatre mots en italique résument une triste société.
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C
<br /> <br /> Oui, triste, malgré tant de couleurs éclatantes...<br /> <br /> <br /> <br />
J
Je vais te couronner Reine de la rue... Ton regard sur les choses et les gens... Oui tu nous dis tout !!! Merci...
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M
un instant ordinaire dans la vie où l'on les tranches de vie semblent se frotter sans jamais se rencontrer!
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H
Mais ce ne serait ¨rien¨ si ton regard miroir ne nous réfléchissait pas ce tout à l'intérieur de ce rien apparent.<br /> Merci Carole pour ta profondeur!<br /> <br /> Hélène*
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