Les marguerites

Publié le par Carole

marguerite.jpg
 
Je passais près de cette prison qu'on vient de construire à la lisière de la ville, à l'orée d'un grand bois. Sur le bas-côté, à l'ombre du mirador, j'ai vu un homme qui cueillait des marguerites dans un fossé bourbeux. Il en tenait une pleine brassée, un gros bouquet de printemps aux yeux ouverts sur le soleil. Puis le flot de la circulation m'a entraînée un peu plus loin, et l'homme aux marguerites s'est effacé dans mon rétroviseur.
Est-ce qu'on peut donc offrir des fleurs en prison ? Etait-il vraiment possible que ces marguerites soient destinées à un prisonnier ? Peut-être l'homme n'était-il qu'un promeneur, attiré par ces fleurs magnifiques, si blanches et si légères à l'ombre noire du mirador, dansant au grand vent bleu de ciel qui soufflait sur la route.
Comment savoir ? J'ai pensé à tous ceux qui ont un fils, un frère, un mari, un ami, un père, "là-dedans".
A cette autre prison de douleur, d'absence et de honte dans laquelle on les a enfermés, eux aussi.
Des délits et des crimes, du sang, souvent, et des larmes, toujours. Des malheurs et des châtiments, et tant, tant, tant de victimes à chaque fois. 
On dit que dans le langage des fleurs "marguerite" signifie "innocence". Si seulement on pouvait tapisser les fossés, les couloirs, les parloirs, les cellules et les murs, et les âmes en souffrance, de grands bouquets de marguerites, à l'ombre dure des miradors... 
 

Publié dans Fables

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article