Les fils

Publié le par Carole

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Au village, c’est comme ça : les fils électriques ou téléphoniques pendent partout dans les airs, traversent les rues, se croisent, s’emmêlent, et se recroisent encore, s’égarent dans les champs, se promènent sur l’horizon, pour reparaître au flanc des fermes, puis s’en aller encore, très loin, là-bas, on ne sait pas bien où.
 
Par ces fils entrent les voix du monde et les images du lointain.
Par ces fils le village est relié à l’univers.
 
Ils se balancent au vent comme les cordes à linge tendues dans les jardins, comme les fils de fer des vergers palissés.
Des arbres grandissent à leurs flancs de ciment ou de bois, et se couvrent de lierre.
Les oiseaux qui s’y posent, confiants, y suspendent parfois, dans des nids barbelés de paille et recousus de mousse, des portées d’oisillons qui s’envolent en chantant.
 
Quand la tempête les abat de son souffle de bête, on les renoue les uns aux autres, on les retend avec soin sur leurs mâts.
On pourrait bien les enterrer, tous ces fils, mais, on ne sait pas pourquoi, ça fait plaisir, au fond, qu’ils soient là, bien visibles.
Qu’ils soient, au-dessus des maisons et des routes, les signes évidents de la vie battant son pouls rapide, les veines et les vaisseaux irriguant le village comme un petit morceau du corps immense et chaud de l’univers.
Que sur leurs longs cordages se hisse la grand voile de l'invisible espoir.
Et que là-haut se tende le grand filet maillé de ciel qui retiendra sur la terre le village.
 
 
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Publié dans Le village : Selommes

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A
Et que feraient les hirondelles sans eux ? Amitié Carole.
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C
<br /> <br /> Les hirondelles ont le jugement sûr !<br /> <br /> <br /> <br />
E
Cest curieux ton article, mais je l'aime beaucoup. Par contre , je n'aime pas les fils qui " abiment " le ciel et limitent le regard.Je les préfèrent enterrés. Mais je fais avec!<br /> Belle soirée, bises Carole
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C
<br /> <br /> Ah, ces "fils", personne ne les aime. Pourtant, quelle joie quand ils sont arrivés ici, il n'y a pas si longtemps !<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bonjour Carole<br /> <br /> Un grand débat ....ces fils dans le bleu du ciel<br /> belle journée<br /> <br /> Danielle
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C
<br /> <br /> Apparemment, oui, cela donne lieu à un débat. Je n'avais pas conscience du caractère "provocateur" de ce texte, mais ce n'est pas la première fois, et... j'aime bien ! Quand on réagit sur mes<br /> textes, cela me donne l'impression qu'ils ne sont pas figés, qu'ils appellent les autres à réfléchir à leur tour. <br /> <br /> <br /> <br />
N
Ici, peu à peu on enterre les fils. C'est vrai que c'est plus "joli" mais bizarrement ça fait vide aussi: on y est tellement habitués! Et je me suis fait cette réflexion: où les hirondelles vont<br /> elles se poser? - et les tourterelles qui s'y posent en brochettes...
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C
<br /> <br /> Il semble que mon article donne lieu à une petite polémique. Dans les villages touristiques, on enterre les fils, de même que dans les banlieues "aisées", car il est convenu qu'ils sont laids (ce<br /> qui n'est guère niable, je le reconnais), mais dans les campagnes délaissées, ils font partie du paysage, et les oiseaux semblent approuver leur présence. Ils ne sont pas beaux, mais ils mettent<br /> en évidence le fait qu'on n'est pas coupé tout à fait du monde, que "le courant passe" encore, et puis là-bas, les poteaux sont des troncs noueux, ou de vieux poteaux de béton tout couverts de<br /> lichen...<br /> <br /> <br /> <br />
P
j'ai toujours trouvé hideux ces fils qui traversent le ciel en traits noirs si nombreux...grillages qui parcellent l'azur,et que dire de leurs perchoirs de béton gris ou de ferrailles<br /> rouillées!pour circonstances atténuantes, on pourrait dire qu'ils relient entre elles, les maisons des hommes...mais c'est la laisse qui relie le chien au maître...! dépendants!!! nous sommes<br /> obligés pour multiples raisons de rester attachés aux cordons! Enterrons-les!!!qu'ils ne barrent plus l'horizon...<br /> Les oiseaux s'en balancent d'y être rassemblés; pour eux,c'est comme une gare; tous prêts au départ...juste pour s'envoler...loin, la-bas, où seuls les arbres les attendent.
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C
<br /> <br /> Hideux ? certainement, mais quand on vit dans un village isolé où l'électricité et le téléphone sont arrivés tardivement, où la moindre panne peut durer des semaines, on a un regard différent sur<br /> ces fils qui relient au monde et on les regarde avec affection (comme bien d'autres choses "hideuses" d'ailleurs): c'était ce que je voulais dire. Le regard des villageois sur les objets "hideux"<br /> liés au progrès technique n'est pas le regard critique des gens des villes - ou des banlieues. De même l'idée de "dépendance" prend un sens très différent lorsqu'on est privé de beaucoup de<br /> services considérés comme élémentaires ailleurs. Je le ressens parce que je vais de la grande ville au petit village reculé (et inversement). <br /> <br /> <br /> <br />
S
Et puis... il faudrait tout de même demander leur avis aux oiseaux! Depuis l'enfance, je trouve magique qu'il se pose sur ces veines vilaines... Qu'il est bon de te lire à cette heure-ci ou le<br /> matin très tôt. Etre calme comme un oiseau sur un fil... Suzâme
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C
<br /> <br /> Suzâme, je prépare justement un article sur les oiseaux et les "fils". Un prolongement à celui-là, mais sous un autre angle. Alors ton commentaire me vient comme un (très bel...) encouragement à<br /> l'écrire ! Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Magnifiques ces fils qui lient les hommes, une image de partage et d'échange, merci Carole pour cette approche de la communication, de sa fragilité comme ces fils parfois dénudés.
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C
<br /> <br /> Les fils, ce sont des liens... y compris pour l'ADSL, qui ne passe pas toujours dans ces petits villages.<br /> On ne réfléchit plus à cela en ville. Mais le langage porte à jamais la marque de la richesse de sens et d'imaginaire liée (tiens...) à l'idée de "fil", de "lien" ...<br /> <br /> <br /> <br />
E
pourtant que ce serait beau un paysage sans fils, sans pylones... comme du temps des ancêtres - mais tout enterrer serait très complexe, et pas toujours possible
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C
<br /> <br /> Mais du temps des ancêtres, la vie était dure à la campagne, alors les "fils", c'est aussi le confort... C'est un peu l'histoire des tables en formica préférées aux vieilles tables en bois et aux<br /> lourdes nappes de lin à laver et repasser... Le regard des "ruraux" est tellement différent de celui des "urbains". Je trouve que c'est de plus en plus frappant d'ailleurs à mesure que le temps<br /> passe et que les petits villages s'isolent, délestés peu à peu des "services" publics ou privés...<br /> <br /> <br /> <br />
H
J'aime particulièrement la dernière phrase.<br /> <br /> Partout des ¨X¨ et des croix, le chemin signe sa voie.<br /> <br /> Hélène*
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C
<br /> <br /> Oui, les chemins écrivent le paysage, et notre imaginaire se coule en eux comme une eau lente.<br /> <br /> <br /> Merci, Hélène, pour ce beau commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonsoir Carole... J'ai le même poteau en face de chez qui abrite les amours de vieux tourtereaux... roucoulant encore et pourtant si on les enterre... Un jour viendra, pas bien loin, ils finiront<br /> sous terre les câbles, ainsi soit-il ! Les oiseaux en seront bien acccablés.... Bonne nuit...
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C
<br /> <br /> Un jour viendra, peut-être... Les oiseaux ont transformé en arbres ces poteaux à peine équarris et semblent aimer ces fils qui ont l'air de traverser le ciel en funambules...<br /> <br /> <br /> <br />