Les fenêtres
C'est comme ça, la rue : des gris obstinés de crasse, résolus dans l'obscur, le décrépit, le triste - de sombres façades à l'enseigne de mère misère - et puis, tout à côté, des murs joyeux, des fenêtres à rideaux festonnés, des bouts de Versailles sur le balcon, de la lumière qui danse au long du séjour traversant, et du jaune, du rose, du saumonné, pour baigner dans le monde comme une truite dans la rivière.
Des murs et des balcons qui préfèreraient ne pas frayer ensemble, contraints pourtant à se serrer ciment contre ciment, gouttière contre gouttière, flanc contre flanc, collés, pressés, poussés pour le même voyage, comme les usagers usés des transports en commun... gardant tout de même chacun son quant-à-soi - front levé, regards figés, évitant de lorgner le voisin.
C'est drôle que les fenêtres aient des visages - qu'elles soient comme ces gens qu'on croise, quand on va son chemin pressé, dans la foule qui passe.
Dire qu'on aurait pu ne pas lever la tête... dire qu'on aurait pu, dans le tumulte de la rue, oublier de se demander quelles vies, derrière ces vitres, comme malheur et bonheur - ou comme bonheur et malheur -, si étroitement se côtoient, silencieuses, là-haut, dans l'ombre des fenêtres closes...