Les cormorans
Au bord de l'Erdre lente, aux rives de la ville, nichent les cormorans. Hiératiques et sombres comme des divinités anciennes, ils attendent. Les yeux levés, le cou tordu, ils ont toujours l'air de vouloir déchiffrer, aux longs cartouches blancs que dessinent là-haut le sillage des avions et des nuages fugitifs, des phrases invisibles, de mystérieux signaux.
Et les arbres des rives chargés de ces cormorans immobiles semblent de grands chandeliers sombres enfoncés dans la terre face aux bateaux qui passent, d'étranges sémaphores, plantés sur la rive du monde pour avertir ceux qui passent - de quelle obscure menace, là-haut, que leur déroberait le bleu du jour et la douceur des berges ?
Parfois, un des oiseaux s'envole et rase l'eau pour attraper un poisson dans un sillon boueux du flot qui se referme. On se sent soulagé, on se dit que ce n'est après tout qu'un oiseau pêcheur, un banal cormoran, venu de la mer, retiré dans les terres, un dévoreur de poissons, un glouton comme un autre.
Puis l'oiseau revient, sans bruit se percher sur la rive, pour guetter, immobile et sombre, le ciel si bleu qui nous paraît de nouveau traversé de nuages, de sillages et d'angoisses. Que pourraient donc savoir les oiseaux, que les hommes ignorent encore ?
Puis l'oiseau revient, sans bruit se percher sur la rive, pour guetter, immobile et sombre, le ciel si bleu qui nous paraît de nouveau traversé de nuages, de sillages et d'angoisses. Que pourraient donc savoir les oiseaux, que les hommes ignorent encore ?