Le Promeneur

Publié le par Carole

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      Jardin des Plantes - Nantes
 
   En ce premier novembre où nous nous tournons vers les morts en leur offrant des fleurs vivantes, j'ai repensé au Promeneur. C'est l'un des personnages les plus curieux et les moins connus de ce jardin d'Eden qu'on a planté, pour que l'allégorie soit complète, sans doute, tout près d'un cimetière.
  Le Promeneur, dans sa vie antérieure, s'appelait Camille Mellinet. Il avait le désagrément d'être le frère du général de la place Mellinet - celui qui fait sans fin la circulation avec son sabre -, et le bonheur d'être l'ami d'Elisa Mercoeur. C'était un éditeur avisé, un auteur délicat, un journaliste habile, un savant historien, un notable des lettres, un gros propriétaire. Après une vie de gloire locale et acharnée, ses concitoyens reconnaissants lui ont élevé ce buste juché sur un immense piédestal pour qu'il l'emporte à jamais sur le commun troupeau de ces mortels couchés tout près de lui.
   De pluies de Toussaint en froidures de novembre, il s'est un peu noirci. L'impitoyable nécrophage qu'on nomme Postérité a balayé son nom avec les feuilles mortes. Les fleurs de rhétorique ont séché sur sa tombe, l'orgueil peu à peu l'a quitté. Il a si longtemps regardé le jardin : je crois qu'il n'est plus que sagesse. Près de cet arbre ouvrant ses bras en oiseau-lyre, voyez comme il se redresse pour mieux voir, comme il voudrait humer tous les parfums, comme il rêve de suivre le vol blanc des colombes et l'élan du héron, comme il s'en va déjà sur les chemins qui tournent, parmi les arbres et les bourgeons patients. Qu'importent les hauts murs et qu'importe la mort à celui qui sait vivre ? Il est là, bien là, au milieu des enfants et des canards, en costume clair, un camélia d'automne à la boutonnière, les cheveux dans le vent, sur les pas du bonheur promeneur.
   Il est le "carpe diem" indulgent d'ici, celui qui nous dit que toute joie est ici-bas, simple et légère comme une fleur qui passe, mais que si nous l'avons oublié en vivant, nous aurons encore toute la mort pour trouver le Jardin.
   Et après tout, qui sait ?

 

Publié dans Nantes

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C
La Mort (mais aussi la Vie) en ce jardin, grâce à votre regard.
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J
La vie, plus forte que la mort, ou l'oublie trop souvent ! Amitiés. Joëlle
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M
Très beau et émouvant texte. Découverte de votre passionnant blog et de votre grand talent. Merci de votre commentaire sur le mien.<br /> Amicalement
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G
C'est Pierre Dac qui disait que la mort est un manque de savoir vivre
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M
Rassurant après tout, ce personnage nous assure que la mort et un événement tranquille, un passage sans heurt vers un monde apaisé et calme!
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V
Extraordinaire ! Magnifique texte. On va d'enchantement en enchantement. J'ai adoré "l'impitoyable nécrophage que l'on nomme Postérité", mais aussi la phrase "C'était un éditeur avisé, etc.", et<br /> puis la suite ("les fleurs de la rhétorique ont séché...", "il est là, bien là..."etc.)<br /> Bravo Carole, tu illustres merveilleusement la langue française, la belle, la vraie.
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A
Oui, qui sait ! Belle soirée Carole.
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A
Ce Jardin des Plantes de Nantes commence à me fasciner : il<br /> semble magnifique.<br /> J'espère que tu vas mieux, de mieux en mieux.<br /> Je t'embrasse
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C
<br /> <br /> Je l'appelle le Jardin d'Eden, c'est dire... J'y vais presque tous les jours, il jouxte mon lycée.<br /> <br /> <br /> Je vais bien mieux, après des moments difficiles qui m'ont tout de même semblé longs. Merci Anick, bises, et prends bien soin de toi aussi !<br /> <br /> <br /> <br />
J
Carole, Nounedeb a dit "ronron"<br /> alors c'est sûr j'ai envie de dire et "ron et ron petit patapon"<br /> tu es posé au milieu des fleurs dans un jardin où passent des enfants qui ne savent rien de toi mais qui te reconnaissent comme faisant partie de ce jardin des plantes de Nantes, tu es un repère au<br /> milieu de ce grand jardin où les enfants pourraient se perdre...<br /> J'aime cet article original Carole.
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N
Ronron...
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L
Je crois que nous sommes nombreux à ne pas avoir trouvé le Jardin ici-bas. Reste l'espoir, plus tard...
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J
Nous n'aurons pas tous la chance de "survivre" en statue, je découvre ce monsieur, merci Carole, bon W-E !
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A
J'aurais envie qu'une statue d'Elisa l'accompagne et qu'ils trouvent ensemble le Jardin...
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C
<br /> <br /> Il y a de l'autre côté du mur d'enceinte du jardin, en effet, un grand médaillon représentant Elisa. je l'ai montré dans l'article "Une fleur pour Elisa" http://carole.chollet.over-blog.com/article-une-fleur-pour-elisa-116782690.html<br /> <br /> <br /> <br />