Le présent n'est pas une ardoise magique
J'étais allée voir le ravissant pavillon chinois de Chantenay - il faudra que je vous le montre, un jour, ce rêve de capitaine retour de Chine, fiché sur les ruines d'un moulin de village... En redescendant vers l'arrêt du tramway par un lacis de rues ouvrières et charmantes, près de l'impasse de la Conserverie, j'ai rencontré le visage cabossé de ce panneau...
Il en avait soutenu, des luttes, il en avait pris, des coups, pour être aussi froissé, tuméfié et suant qu'une face de boxeur... Je l'ai respectueusement salué...
Le Globe... le journal parisien des jeunesses romantiques, l'éphémère apôtre du saint-simonisme... Le croiser là, dans cet ancien quartier de Chantenay, que l'on traverse par les grands boulevards de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité, où l'on peut flâner rue Danton, en passant par la rue des Girondins ou la rue du 4 Août - à moins qu'on ne préfère la rue Blanqui...-, dans ce petit îlot de République où passent avec la Loire le souffle haletant des révoltes et l'haleine rougie des enthousiasmes en lutte, ce n'est qu'à moitié surprenant.
Tout de même tout de même tout de même c'est bien curieux...
Vraiment, je ne sais pas quel adjoint au maire a eu un jour l'idée extraordinaire de planter, comme un arbre bleu de liberté, ce totem à face de lutteur, pour rappeler le souvenir presque effacé du Globe, mais cela me ravit.
Et qui donc a eu cette autre idée extraordinaire, de coller au-dessous ce papier, minuscule affiche qui proclame à la pluie, au vent, et aux passants hâtifs, que LE PRESENT N'EST PAS UNE ARDOISE MAGIQUE ?
Non, le présent n'est pas une ardoise magique qu'on efface d'un geste, ce n'est qu'une vieille éponge lourde et mal égouttée, et le passé transpire par tous ses pores...