Le photographe
Carnaval de Nantes - 1er avril 2012
Celui-là s'était juché, à découvert, sur un abri de tramway, face au grand troupeau débridé des chars du carnaval. Il ne voulait pas en manquer un seul, il les tenait tous en joue. Je l'ai vu, j'ai visé, j'ai tiré... et de mon simple D3100 je l'ai eu, lui, le noir aventurier aux aguets, l'homme à l'EOS5D qui braquait sur le monde le long canon de son téléobjectif à super zoom. Je l'ai eu vivant, et même peut-être un peu éternisé...
Le photographe est un chasseur. Il sait se poster au bon endroit, braver tous les dangers, franchir tous les obstacles. Longtemps il scrute, il observe. De son regard avide il fouille et perce le mystère des êtres et des objets. Puis il arme son appareil, calcule lentement, pèse l'ombre et mesure la lumière, et, brusquement, sur la proie qu'il guettait, il déclenche le tir. Un seul coup suffit souvent, parfois c'est une longue rafale. A l'autre bout quelqu'un ou quelque chose est pris - saisi.
Car, sachez-le bien, ce que vise le photographe, c'est le coeur.
Toujours le coeur.
Le coeur des choses, le coeur des êtres.
Le coeur qui bat, le coeur qui vibre, le coeur vif au galop,
le coeur ardent et frémissant de tout ce qui sait vivre.
Mais aussi le morne coeur délaissé, oublié dans son ombre,
le coeur fossile et endormi de tout ce qui s'ignore.
Le coeur, je vous dis, le coeur du monde,
qu'il faut viser pour qu'il ne meure jamais.