Le jardinier et son pétale
"La blanche Ophélia flotte comme un grand lys
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles."
(Arthur Rimbaud)
On vient d'installer au Jardin des plantes, pour l'été, ce grand "pétale" suspendu, taillé comme une fleur dans une étoffe claire aux nervures satinées et soyeuses - chair de lys et de magnolia.
De loin, les fils qui le retiennent se font presque invisibles, on croirait voir flotter au-dessus du sol le blanc fantôme d'une Ophélie rêveuse, heureuse enfin, déployant ses grands voiles aux étendues herbeuses du vieux jardin d'Eden.
Un jardinier travaillait tout à l'heure près du pétale. Tandis que l'un grattait durement la terre de son râteau, l'autre s'élançait et dansait dans le vent.
J'ai trouvé beau de les voir ainsi l'un près de l'autre : l'homme courbé travaillant au jardin, et le pétale léger.
Le poète et la rime rêvée.
Le musicien et la coda.
Le peintre et la dernière touche.
La jeune morte et sa romance.
La peine des hommes et le souvenir et l'espoir de l'Eden.
Le jardinier et son pétale.