Le papillon
"La lune blanche
Luit dans les bois
[...]
Rêvons, c'est l'heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...
C'est l'heure exquise"
(Paul Verlaine)
La "Folle Journée" vient de s'achever.
Il me semble déjà que tout s'est dissipé, et de tant de musique je ne sais plus une note. Qu'ai-je donc retenu de ce qui m'enchanta ? Peut-être le visage émouvant de cet altiste, si laid et grimaçant, mais exprimant l'extase la plus pure.
Ou peut-être la main si épaisse et si délicate de Boris Berezovsky, cet ours magicien, égrenant au clavier chaque goutte d'eau claire jetée dans la nuit par l'ondine, puis démêlant dans la pénombre la pâle chevelure arpégée de la fille aux cheveux de lin.
Ou bien la silhouette minuscule et presque effacée de ce papillon, qui s'était égaré contre une vitre, près de la salle "Verlaine", et qui battait faiblement des ailes vers la lumière.
Toute musique s'adosse au silence, et tout élan à sa chute. Nous nous cognons comme des papillons à cette vitre sale et barrée de nuit qui nous sépare de l'éternité. Et toute la beauté humaine n'est que le tremblement infime que font une heure sur le néant nos ailes qui se brisent.
Pourtant je ne voudrais pas échanger ce tremblement exquis pour l'infini vague et bleuâtre de derrière la vitre.