Le monde en gris
Je ne savais pas, je n'aurais jamais cru... on a repeint le petit beurre. En gris. Le petit Lu, le petit Lulu de Nantes. En gris. Le petit brun aux oreilles d'écolier. En gris. Le petit jaune aux quarante orteils. En gris. Le petit bleu dans son parc à étoiles. En gris.
Et moi qui ne savais pas, moi qui n'aurais jamais cru...
Je me demande qui nous repeint ainsi le monde, pendant que nous dormons. En gris.
Les biscuits et les astres, le soleil et la lune. En gris.
Les murs, les grands chemins, les voyages et les jours. En gris.
L'avenir, l'espérance, les lendemains qui chantent. En gris.
Pourtant, quand on regarde bien, on voit encore trembler, derrière les fentes, des éclats de couleurs, des papillons de joie, de clairs regards qui veillent.
Il suffirait d'écarter les grilles comme des doigts humains, de laisser la lumière s'écouler en eau vive.
Il suffirait de secouer le béton comme un grand rire d'enfant, sous la poussée du lierre, des oiseaux et des fleurs.
Il suffirait de presque rien pour que le gris s'évade, pour qu'il fasse le mur. Qu'il cesse de broyer le noir des grises mines, qu'il se fasse la belle et se fasse la malle aux beaux habits de ciel.
Mais qui s'obstine, pendant que nous rêvons, à nous repeindre ce vieux monde ? En gris.