Le fou

Publié le par Carole Chollet

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          Nantes - Château des ducs 
 
 
Petit Triboulet rêveur, posé dans la lumière sur la grande ombre en forme de croix qui s'allonge sur le toit, au-dessus du chemin de ronde, que peut-il bien penser, là-haut ?
Peut-être simplement qu'il suffit d'un peu de soleil pour faire surgir des vérités troublantes, par exemple la proximité de l'angoisse et du rire, de la mort et de la frénésie, de la méditation et de la dérision, des ombres lourdes et des fines dentelles de pierre...
Nous le savons et l'acceptons nonchalamment, fous que nous sommes. A moins que nous n'endossions l'habit de fou justement parce que, au grand soleil de la lucidité, l'ombre qui s'étend derrière nous se fait si haute, si menaçante.
 
Mais que j'en ai eu, du mal, à le distinguer, ce fou, dans la végétation de pierre qui court au coin de chacun des hauts murs. Il m'a fallu, pour le saisir au zoom, me plaquer contre le rempart, en bas, me pencher vers le vide, m'écorcher sur l'angle dur d'un créneau.
Le passant qui parcourt le chemin de ronde, au château, ne remarque pas tout d'abord les sculptures extraordinaires qui ornent les sommets, et, s'il a enfin reconnu leur présence, il ne peut pas, de ses seuls yeux, les distinguer clairement. Il lui faut lever la tête et se tordre le cou, puis se servir, comme d'un télescope, du zoom de l'appareil-photo : alors seulement se découvre un vaste recueil de fables et d'allégories, inscrit tout en haut des vieux murs,  tout près du ciel.
Ceux qui ont posé là leurs chefs-d'oeuvre, si longtemps condamnés à rester invisibles, et qui le seraient restés sans l'invention d'appareils d'optique compliqués dont ils ne pouvaient avoir l'idée, en ont pourtant réfléchi et ciselé chaque détail à la perfection. Sachant bien qu'en art - autre folie - c'est d'abord pour le Spectateur inconnu - ou pour soi-même - que l'on travaille.

Publié dans Nantes

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S
Pourvu que nous sauvegardions ce merveilleux patrimoine nous qui parfois ne regardons que nos pieds, tête penchée sous la tourmente des réalités. Relevons notre visage, là vers le haut... comme tu<br /> as raison, tout l'art du paradis à l'enfer, tout l'insolite se niche vers les hauteurs des monuments...pour mieux nous scruter et nous surprendre. A bientôt. Suzâme
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C
<br /> <br /> Merci, Suzâme. A bientôt, je pars quelques jours loin de la "blogosphère"...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Nous n'écoutons pas suffisamment les clochettes du fou qui agite sa marotte. Merci, Carole, pour ce regard perspicace et haut perché.
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C
<br /> <br /> Un fou un peu shakespearien...<br /> <br /> <br /> Merci, Catheau.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Une recherche qui me hante, celle de la lumière qui permet de mieux voir ces immenses ombres qui les accompagnent, théatre de la vie. Chaque compagnon s'exprimait avec la perfection de celui qui<br /> aime ce qu'il fait. Peut importait sa visibilité. Douc journée; Joëlle
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C
<br /> <br /> Oui, j'ai remarqué ta belle recherche sur les ombres. Continue, Joëlle, à être ainsi "hantée" !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
D
bonsoir Carole<br /> <br /> toujours le même plaisir de venir vous lire<br /> merci pour cela<br /> amicalement<br /> Danielle
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J
En tout cas il a une paix royale et une vue imprenable... merci Carole...
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C
<br /> <br /> Presque comme "Dragonien"...<br /> <br /> <br /> <br />
D
bonjour Carole j'aime toujours venir vous lire.<br /> merci du partage<br /> <br /> Danielle
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C
<br /> <br /> Merci, Danielle, votre message me comble.<br /> <br /> <br /> <br />
P
Ils travaillaient surtout pour Dieu..Nul besoin que leur oeuvre soit exposée , cette Foi seule leur donnait le souci de la beauté.
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C
<br /> <br /> Oui, une foi en la beauté qui se confond avec la foi religieuse.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Comme toi pour le lecteur virtuel que nous sommes, lecteur qui soit dit en passant, prend le temps d'apprécier tes textes et de les savourer!
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C
<br /> <br /> Là, Mansfield, tu mets le doigt sur la contradiction... <br /> <br /> <br /> Merci !<br /> <br /> <br /> <br />
R
C'est exactement le principe même de l'art funéraire égyptien que vous définissez là, Carole : enfoui au plus profond d'une chambre sépulcrale à quelques dizaines voire centaines de mètres sous le<br /> sol ou dans la colline thébaine, il n'était destiné qu'au seul propriétaire du tombeau aux fins de lui assurer une vie post-mortem la plus agréable possible.<br /> <br /> Et si maintenant nous admirons la splendeur du travail de ces sarcophages, vases canopes et autres ouchebtis que nous n'aurions jamais dû connaître, c'est uniquement à la suite des violations et<br /> pillages de sépultures que tant craignaient les habitants de l'antique Kemet.<br /> Puis des fouilles méthodiques des égyptologues qui vinrent après eux ...
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C
<br /> <br /> Oui, et c'est vrai pour beaucoup de civilisations, cette priorité accordée au spectateur de "l'au-delà". Pour toutes peut-être  - sauf la nôtre ? <br /> <br /> <br /> <br />