Le distributeur
Un distributeur de billets transformé en téléphone portable - à moins que ce ne soit en arme. Une main géante qui ne donne qu'à ceux qui ont déjà...
Elles sont si souvent primitives, inquiétantes, insolentes, les images aberrantes qui rhabillent nos murs aux couleurs du factice.
L'étrange décor a fait remonter tout à l'heure à ma mémoire un souvenir depuis longtemps oublié.
C'était à la gare, il y a des années. Un groupe de jeunes Africains.
L'un après l'autre ils se photographiaient, souriant comme à Hollywood, devant le distributeur de billets.
On aurait cru qu'ils se tenaient devant la Tour Eiffel ou au mont Saint-Michel. Ou bien à Hollywood boulevard sur le pavé des stars.
Ils n'avaient pas de carte, bien sûr, aucun billet à espérer. Mais, pas rancuniers, et tout à fait joyeux, ils se prenaient en photo devant le distributeur. Exactement comme font les touristes. Pour ramener un "souvenir" des splendeurs qu'ils visitent sans y participer.
Le distributeur, ce dieu qui se tient bouche close à l'entrée de ses temples, et qui ne tend ses billets doux, toujours un peu froissés, qu'au petit nombre des élus qui savent écarter ses mâchoires, est-il vraiment devenu le Monument de notre monde ?