Le dimanche de la ville - réédition revue de l'article de 2012
Ce petit Dimanche, ce jeune Roger, fils de Molière et de Raymond Queneau, je crois qu'il n'est pas tout à fait un enfant... je crois même qu'il est à l'origine de bien des pochoirs habiles qui ont orné nos murs ces dernières années. Oui, je le soupçonne fort d'avoir tenu le pinceau ou la bombe qui nous ont valu tant d'images insolites et de fantaisies heureuses, brièvement surgies dans cette ville, par les nuits les plus noires et les matins de pluie sans trève.
Il ne ressemble en rien à ces "graffeurs" agressifs qui s'en prennent aux musées ou aux clôtures soignées des petits pavillons achetés à crédit. C'est un Pierrot qui se lève à la lune, un artiste modeste qui n'écrit que sur triste et ne peint que sur sale, pour semer dans les rues de brefs bouquets de fleurs murales ou d'oiseaux, en couvées de sourires où nidifie la vie.
Je le remercie de nous offrir, à nous les provinciaux, à nous les gens de rien qu'étouffe le chiendent, loin de Rueil et des fleurs bleues du rêve, ses petiots Picasso sur panneaux, ses mignons Gauguin sur parpaing, et ses jolis Magritte sur rouille.
D'habiller en dimanche ce que nous avons de rues laides et de places oubliées, d'entrepôts sans fenêtres et de ghettos sans ciel.
De se faire anonyme et léger, tout prêt à disparaître, Zazie du béton gris, sous les pluies qui l'effacent.
Ne s'assignant d'autre tâche que de donner du prix à ce qui n'en a pas, des visages à nos ombres, et du temps à l'instant - rien qu'un instant, rien que pour rien.
Ainsi, c'est fait, sur ce blog de peu de prix et de peu de lecteurs, voué au présent fragile et bientôt à l'oubli, je te salue, Roger Dimanche, peintre flâneur, rôdeur de liberté, guetteur de petits riens, éveilleur de sourires. Je te tire en passant, moi aussi, mon chapeau, pour tant d'années passées en sa douce et discrète compagnie, par les rues grises de ma ville.