La pendule - rue de Feltre
J'ai lu dans je ne sais quel magazine local l'histoire d'une pendule, achetée pour meubler une des vieilles maisons penchées de l'Ile Feydeau, qui ne voulait marcher que chez l'horloger. Une fois dans la maison, emportée par la pente comme par une vague, bercée par le roulis du grand navire de pierre, se réglant comme un astre sur le vieil océan, immanquablement elle s'arrêtait et s’obstinait à marquer une heure trente.
Sur la pente de la rue de Feltre, au front de ce bâtiment qui abrita longtemps une patinoire, et semble désormais une gare étrange, sans voies ni trains, posée dans la rue comme un tableau de Paul Delvaux, une autre pendule, énorme, aussi grande ouverte qu'un oeil de cyclope, marque aux passants cette même heure unique et immobile.
Dans cette ville ignorante des lois de la perspective, dans cette ville de guingois aux lignes entrecroisées comme des fils d'araignée, il arrive souvent que le temps, suivant son penchant éternel, s'échappe de son lit.
Ici, au pied de la Tour, c’est d’une tranquille évidence.