La main de l'ange
J'avais vu au musée de Rennes la fameuse nativité de Georges de La Tour. Et bien sûr j'avais souvent rencontré au musée de Nantes l'ange de saint Joseph et le saint Pierre tremblant du même Georges de La Tour. Mais je n'avais jamais contemplé les trois toiles ensemble.
Or la récente exposition du passage Sainte-Croix les a réunies, mettant ainsi en évidence – ou plutôt en lumière – la grande proximité de ces trois oeuvres, proximité qui est du reste – mais c'est une autre histoire – à l'origine de la redécouverte du peintre au XIXème siècle par l'érudit Hermann Voss.
Ce qui m'a semblé saisissant, et que je n'avais jamais à ce point admiré, tant que je n'avais pas vu les trois tableaux ensemble et prenant tout leur sens d'être posés les uns auprès des autres comme des mots dans une phrase, c'est cette main levée, qui chaque fois s'interpose entre la lumière et nous. Paume envahie de clarté et dos inondé d'ombre, une main de lumière et une main de nuit, pour nous montrer que toute connaissance est doublée d'ignorance, et que le savoir le plus lumineux est celui qui s'extrait des ténèbres. Une main, surtout, qui nous prend par la main, et pourtant nous écarte, nous séparant de ce que le tableau révèle, mais nous rendant si proche, si nécessaire, la lumière entrevue. Qui montre et cache, qui nous repousse et nous invite d'un même geste, nous indiquant plus loin le seul chemin à suivre.
Par trois fois cette main.
La main de l'ange, la main de l'haut-delà, la main de l'artiste.