La lézarde
Nantes - Chantenay - février 2014
Pour cacher le vieux mur on a peint un village, un vrai village faux, avec ses rues, ses murs, ses chats, ses escaliers et ses boutiques.
C'est si bien fait, on s'y croirait.
Un trompe-l'oeil, n'est-ce pas, c'est si joliment fabriqué pour tromper, qu'on prend à se tromper un vrai plaisir d'artiste.
Mais le mur a continué à vivre, à se rider, à se creuser, se lézarder. A se verdir, à s'emmousser, à se noircir, à se pissenliser.
Et la réalité, aveugle et obstinée, a refait son chemin zigzaguant sur l'image.
Maintenant, la fresque est toujours virtuose, le chat est toujours de gouttière. Seulement voilà : on n'y croit plus.
Dire qu'il a suffi de filer comme un bas le crépi mince, et d'y jeter deux grains de pissenlit en façon d'hellébore, pour semer le doute au village. Mettre à bas d'un éclair le décor impeccable.
C'est si souvent – n'est-ce pas ? – qu'une mince lézarde suffit à secouer tout l'édifice d'une belle illusion.