La hutte
Grande Brière - Hutte d'affût
Tout au bord des tourbières, on voyait aussi ces huttes de roseaux posées sur l'eau, toutes orientées différemment, et couronnées de hampes qui les confondaient, vues de très haut, d'un oeil morne d'oiseau migrateur fatigué, avec les roselières du rivage.
Il paraît que chaque chasseur de canards se bâtit ainsi quatre huttes, et va de l'une à l'autre sur son chaland, pour se tenir toujours du bon côté du vent. Gare à celui qui tomberait à l'eau en laissant échapper sa barque, car on ne peut se tenir sur la tourbe, dont la boue noire et sournoise happe et digère aussitôt les malheureux égarés enlisés, comme de simples mouches.
Beaucoup de ces huttes étaient ruinées ou abîmées. Et bien rares étaient les hameaux flottants où elles allaient encore par leurs quatre chemins de vent.
Ces constructions venues du fond des siècles, désormais délaissées, m'ont fait penser à ces affûts compliqués de branchages et de feuilles que se bâtissent aujourd'hui les photographes animaliers, à la façon dont ils étudient les directions du vent pour éviter d'effaroucher les bêtes, aux risques insensés qu'ils sont capables d'affronter, pour quelques belles prises.
Les photographes... ce sont peut-être eux, après tout, les descendants des chasseurs-cueilleurs d'autrefois.