La Fileuse
Nantes - angle de la rue de Feltre et du cours des Cinquante-otages.
Je l'ai découverte un jour de pluie, en levant la tête vers le ciel inflexible.
Elle se tenait toute vieille et usée, à l'angle mort du carrefour, silhouette sombre et indistincte, tête mince d'insecte sans regard, cape de feuilles mortes, et si grande pourtant, avec son fuseau de laine grise - plus haute que l'église Saint-Nicolas, qu'on vient de restaurer, plus haute que la vieille halle, avec sa grosse horloge.
Elle ornait sans doute autrefois une boutique où l'on vendait du drap, de la laine ou du fil. Elle décore aujourd'hui la façade d'une banque - pourquoi pas ?
On l'a déguisée, pour n'effrayer personne, en cette pauvre figure de réclame grossièrement raclée sur la pierre qui s'efface. Mais c'est elle à n'en pas douter, la Fileuse. Il fallait bien qu'elle soit quelque part, au travail.
Dire qu'elle tient son fuseau comme une torche, et que nous n'en sommes pas plus lucides.