La comète -
Allée du commandant Charcot, Nantes, 10 février 2012
Allée du commandant Charcot, j'ai vu hier cette comète, décoration de Noêl oubliée en ce mois de février où on les a déjà partout retirées. Singulière et si belle, dans ce monde où chacun cherche son chemin de panneau en rond-point, de giratoire en balise, elle seule s'élançait haut et droit vers le ciel, sa patrie.
Je me suis souvenue, en la voyant ainsi vouloir se perdre, sans une hésitation, dans cette nuit glacée de février, du commandant Charcot et de son Pourquoi-pas.
Car il a eu son port d'attache ici même, à Nantes, quai Ernest Renaud, ce Pourquoi-pas, un hivernage où il attendait tout fiévreux de son désir de pôles, de glace et de silence. C'était au temps où il y avait encore un port dans la ville.
Quand tu glissais comme un viking sur l'estuaire, frôlant les îles vertes comme des icebergs. Quand l'ombre toute blanche du sphinx des glaces ne t'avait pas encore effacé du monde.
Quand l'eau de la Loire s'en allait vers l'ailleurs en frôlant les remparts du château, toute battue par les laveuses, légère, un peu mousseuse et salée d'astres - foleillante.
Quand tu étais encore vivant, commandant, qu'on n'avait pas encore taillé, dans les trois mâts brisés de ton navire pur et glacé comme la comète qui ne vient qu'une fois par siècle à notre rencontre, les croix de bois des rêves naufragés.