Le trône et l'enfant
Devant les ateliers du Carnaval, comme chaque année, la Peluche géante, le Singe énorme aux yeux de fleurs, l'immense Kiki-Yéti aux mains roses et aux doigts sans griffes, accueillait les enfants. Tous se pressaient pour le voir, les parents hissaient leurs petits sur le siège pour les photographier en majesté...
Ils grimpaient joyeusement, énervés de désir et de rires. Pourtant, lorsqu'enfin ils se trouvaient assis sur leur trône de carnaval, tous, brusquement, prenaient, bizarrement, un air grave et presque apeuré.
Peut-être pressentaient-ils, à se voir si seuls, sur ce trône démesuré, dans la grande ombre noire du géant, qu'ils ne seraient plus pour longemps les rois choyés de leur pays d'enfance, et que bientôt la vie, la lourde vie adulte, la vie comme elle va et comme elle ne va guère, tour à tour débonnaire et cruelle, gracieuse et implacable, les saisirait entre ses larges paluches maladroites - pour les emporter plus loin, beaucoup plus loin que cet instant où le bonheur, dans un éclair de flash, était en train de se figer.