L'ombre du papillon
La fresque sur le mur s'abîme aux injures de la rue... Pourtant, dans le ciel encore bleu, le papillon vole toujours, léger comme une fleur qu'on aurait jetée aux nuages. Et toujours il échappe au serpent ocellé qui guette avec les lianes.
Les papillons ont-ils des ombres ? Sans doute, puisque chaque tige, puisque chaque fleur, puisque chaque nuage a son ombre. Puisque exister en ce monde, c'est recevoir la lumière.
Le peintre a rêvé ce papillon, il l'a posé tout doucement sur le vieux mur aveugle. Pour le faire exister, petit comme il était, il lui a fait une ombre. Puis il a peint les arbres, les oiseaux, les reptiles, les palmes, le grand ciel, l'œil de bœuf habité d'hirondelles, les grands murs de tuffeau, toutes ces réalisations virtuoses qui font l'admiration des passants.
Sur la pierre de peinture qui grisaille, l'ombre du papillon s'étire infime et ne s'efface pas. Le temps, même, a posé comme un sceau une tache un peu rouge sur son aile si mince.
Là-bas le ciel immense s'écaille et se piquette comme un miroir fané, les grands bouquets d'oiseaux, de reptiles et de palmes pâlissent au temps qui passe et le grand oeil s'éteint. Tandis que, de l'autre côté du vieux tronc qui se penche, les initiales épaisses, rageuses et ennemies, qui montent poing serré à l'assaut de l'insecte déjà se fondent aux pluies.
Et je ne peux m'empêcher de songer que la beauté, même modeste, éphémère, fuyante et frêle, même confiée aux avanies des rues, l'emporte toujours, finalement.