L'Empire du jeu
La foire est revenue cours Saint-Pierre, et avec elle l'Empire du jeu, petit Las Vegas en camion qui ce soir ouvrira ses portes de tôle à ceux qui croient pouvoir se fier aux hasards bien calculés du 261 et des machines à sous.
Mais toi, petit enfant, souverain secret du véritable empire du jeu, ce n'est pas là qu'est ton royaume. Tu cours tout près de nous très loin, sur des routes inconnues qui commencent dans l'ombre et finissent en songe. Nul ne le sait, mais devant toi la ville se transforme. Il y fait bleu, il y fait blanc, il y fait rouge, il y fait clair, et si sombre pourtant, comme au fond de tes rêves. Tu cours sur des chemins qui s'en vont vers toi-même, en avant de toi-même. Des forêts de ténèbres s'égarent aux cailloux que tu sèmes. Des monstres te saluent, se courbant jusqu'à toi, pliant leurs longues jambes comme des branches pâles que tu froisses en passant. Des soleils et des mers se suspendent au ciel, pour tendre à tes côtés la toile des décors dont tu écris la pièce. Et des chiffres magiques te disent les secrets qui ne calculent pas.
Tu es le maître du monde qui ne vit que pour toi. Tu cours de toute la force de tes petites jambes. Pourtant, de ton empire tu ne feras jamais le tour. Car ton pays est vaste comme l'enfance, lointain comme l'espoir, profond comme le jeu, précaire et hasardeux comme la vie.