L'écorce du canon
Nantes - Rue Mercoeur
J'étais passée devant cent fois... jamais je n'avais remarqué que c'était un canon.
Un canon de porte cochère. Planton usé veillant sur la demeure d'on ne sait quel propriétaire retour-de-guerre.
Canon de corsaire ou canon de pirate, canon du roi Louis ou canon de Valmy ?
On ne peut plus savoir, tant il est perclus d'âge et fatigué de rouille.
Presque semblable désormais au vieux tronc moisissant d'un vieil arbre.
La mousse et les insectes ont planté leurs nids d'ombres sous son écorce effrangée. Peut-être qu'il finira par se couvrir d'humus. Peut-être qu'on verra repousser tout un bois sur son cadavre enfoui.
Ainsi meurent parfois les canons, sur le terreau du temps, avec nos guerres éteintes et nos haines oubliées, en petits tas de rouille où la vie se ressème.
Si seulement on pouvait les laisser
les canons les démons tous les canons du monde
s'endormir comme ici
sous l'écorce
d'oubli.