L'ange
Anges dorés du clocher de Saint-Nicolas se reflétant dans une fenêtre masquée d'un oeil. Nantes, place du Bon Pasteur
J’ai entendu le froissement de ses ailes quand il s’est envolé. Puis il s’est arrêté un instant dans son élan, pris de remords peut-être il s’est retourné. D’un souffle triste de sa trompette d’or, il m’a dit adieu, et j’ai rencontré le regard bleu pâli de ses yeux fatigués.
Nous ne vieillirons pas ensemble, ai-je pensé. Mais pouvait-il en aller autrement ? Où m’aurait-il conduite, moi qui n’avançais plus, paresseuse et lasse, moi qui n’avançais plus vers lui. Il est resté aussi longtemps qu’il l’a pu, comme un amant déçu qui aurait eu bon cœur il m’a attendue.
Seuls maintenant, nous voici tous deux seuls, comme on l’est quand on n’a plus d’autre compagnie que ses désillusions. Seul, lui qui avait cru en moi, lui qui jusqu’au bout avait voulu croire que je m’envolerais avec lui. Seule, moi qui me reposais sur lui du soin de vivre et qui ne voyais rien là-haut, quand tout était si gris, qu’un ciel tranquille et bleu.
Il a repris son vol, doré mais lourd et lent comme un hanneton qui a trop longtemps dormi sous la terre. Une plume grisâtre est tombée sur mon front et je l’ai ramassée. En me penchant j’ai vu que le sol était jonché de plumes décolorées toutes semblables à celle que mon ange avait laissé tomber dans sa fuite. Partout les anges, déçus, désespérés, avaient pris leur envol. Bientôt le sol fut comme un épais tapis fait des plumes de millions de vieux anges, gardiens usés abandonnant leur poste.
Le monde, je crois, s’est fatigué, l'espoir manque à beaucoup. Même aux anges. Surtout aux anges.