Je m'étais juré de ne pas en parler...

Publié le par Carole

Je ne parlerai ni de la manifestation d'aujourd'hui contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ni des librairies qui ferment.
Promis juré. Je n'en parlerai pas. Non non non.
De la manifestation, je ne parlerai pas, parce que je n'y étais pas, et que tout le monde vous en parlera, à coups de twitts, de communiqués, de condamnations, d'images-chocs et de déplorations...
Des librairies qui ferment, je ne parlerai pas non plus, parce que j'en ai déjà tellement parlé, et que cela me désespère d'y revenir encore.
Pourtant... Non non non, c'est plus fort que moi.
J'étais en ville ce matin, me dépêchant parce qu'on allait interrompre le trafic des tramways. Comme mon trajet m'amenait nécessairement tout près de la rue de Feltre, j'ai pris quelques minutes pour aller voir les pauvres employés de la librairie Chapitre qu'on a longtemps connue ici sous l'enseigne Forum Privat, et qui vient de fermer, faute de repreneur. 
J'ai dû passer par le portillon d'une grande herse de métal, cernée de cars de CRS et de camions de gendarmerie - de ma vie je n'en avais jamais vu autant ni d'aussi imposants, jamais non plus je n'avais vu le centre ainsi hérissé de grilles
J'ai croisé des groupes bavards de Robins des bois, qui attendaient, fixant tout étonnés les grilles et les camions, que le cortège démarre.
 
 
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Enfin, là-haut, devant la boutique désertée, j'ai vu les employés de la librairie, tout seuls et silencieux au milieu de tristes affiches demandant un peu d'aide et un peu d'intérêt.
Quand je suis sortie, j'ai retrouvé les cars de police, la foule, les herses qu'on ne franchissait qu'en montrant patte blanche. Une rumeur encore calme où la tension montait.
 
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Et en partant, j'ai pris cette photo. Je me suis dit que c'était peut-être la dernière photo que je prendrais de la librairie, puisqu'elle allait tout à fait disparaître. Je me suis dit aussi qu'il y avait dans l'air une électricité d'émeute, et que c'était un drôle de monde, ce monde où pour construire un aéroport on pouvait mobiliser tant de forces et tant d'argent, susciter tant de colères et de violences, tandis qu'une librairie de plus venait de fermer en silence, sans que qui que ce fût d'important eût daigné s'en soucier. Et que de cela, je pouvais bien parler, puisque après tout ce ne serait demain ni sur Twitter ni au journal télévisé.
 

 

Publié dans Nantes

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