L'incendie

Publié le par Carole

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    Passant rue Kervégan, je me suis souvenue de cet incendie, la semaine passée, dont on avait parlé dans les journaux. Et de ces précisions qui m'avaient émue : c'était un peintre qui vivait dans l'appartement incendié, et toutes ses oeuvres avaient été détruites. J'avais imaginé en lisant cela l'immense, l'inconsolable douleur de l'artiste.
 
   Un mendiant se tenait devant la maison dévastée, et répondait aux questions des passants. On voit de tels mendiants dans bien des tragédies. Celui-ci était boiteux et porteur de béquilles, ainsi que l'exigent les mythes. Tranquille et souverain, il avait l'air de tout savoir, et, du bout moucheté de l'une de ses béquilles d'acier, désignait en parlant la porte endeuillée et noircie, comme l'ange de la peste, autrefois, aurait lancé sa flèche.
   J'ai pensé à ces millions d'oeuvres détruites dans l'immense brasier des siècles écoulés. A la cendre glacée de l'oubli. Au nombre infime des chefs-d'oeuvre qui ont pu parvenir jusqu'à nous. A l'irréparable désastre de tant d'espoirs à jamais effacés. Aux merveilles égarées, aux trésors consumés. Et à ces perles rares, aussi, roulant dans l'incendie, solitaires et fragiles, et sauvées cependant, et grandissant sans fin, à la flamme du temps, pour devenir des phares.
    Et je me suis demandé si c'était vraiment lui, le mendiant, celui qui choisissait. Car enfin, il faut bien qu'il y ait, quelque part, un juge impitoyable, un ange clairvoyant, un fou vaticinant, un dieu féroce ou sage - quelqu'un enfin, qui passe et qui désigne, qui fouille dans les braises, qui pèse et qui choisit...

 

Publié dans Nantes

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C
Les seuls fous sont nous-mêmes (et nos ancêtres avant nous).
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C
Par-delà l'obscurité, il y a toujours "un petit pan de mur jaune" quelque part. Merci pour ce texte.
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N
Le faut-il?
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Z
je ne sais pas si il s'agissait de trésors, mais pour lui assurément la vie a du s'écrouler..
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A
Et puis il y a d'autres oeuvres qui traversent les siècles et on éprouve tant de gratitude à l'égard de tous ces "anges" qui les ont conçus et de ces autres "anges" qui ont su les préserver et les<br /> amener, intactes, jusqu'à nous...
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C
<br /> <br /> Oui, et c'est si surprenant, que tant d'oeuvres soient détruites, que certaines, si rares, soient sauvées. On se demande quelles lois qui nous dépassent se manifestent ainsi. Parfois, on<br /> reconnaît une forme d'amour et de foi humaine.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Un ange maléfique? Les derniers anges de la peste s'étaient emparé des oeuvres d'art, ils ne les avaient pas détruites...<br /> <br /> C'est vrai que ce sont les enfants de ce malheureux artiste qui ont brûlé, tu me fais penser à une personne de ma famille de grand talent, qui expose mais refuse de vendre la moindre de ses<br /> oeuvres, préférant faire de basses besognes pour survivre plutôt que de se séparer de l'un de ses enfants!
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J
Pour lui ce sont ses enfants ces peintures... alors on peut comprendre son chagrin... merci Carole !
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