Cinq mouettes et un quintette
Canal Saint-Félix - 5 février 2012 -
Ces petits bateaux plantés d'arbres sont amarrés l'hiver au port de l'Erdre comme des îles errantes dans le désordre de la ville. La glace de février se réchauffe auprès d'eux pour hisser les couleurs ardentes de leurs reflets sur ses navires fantômes.
Cinq mouettes marchent sur l'eau comme des Christ minuscules.
C'est un beau matin d'hiver, un dimanche de Folle Journée. Je sors du Palais des Congrès. Je viens d'écouter le quintette pour piano de Chostakovitch et je sais :
Le rouge est le premier violon. Le jaune est le second violon. Ils grincent, ils crient, se posent comme deux ailes, puis s'envolent à nouveau, oiseaux gémisssants somptueux pleurant des morts sans sépulture.
Du blanc au gris, le piano grimpe, s'enfonce dans le noir, prie et s'apaise dans le beige, avant de jeter ses poings fous sur l'armée en déroute des touches noires et blanches.
Le vert sombre des pins flottant sur l'eau rougie, c'est l'alto, qui met tout en accord.
Et le bleu, le bleu dont l'archet monte et descend, du ciel à la terre et de la terre au ciel, jusqu'à la glace de nos coeurs, jusqu'au grand large et jusqu'aux sources minces, le bleu que fixent obstinément les mouettes, animaux sages, le bleu est l'âme triste et profonde du violoncelle.