Une ville que traversent les hérons
- Nantes- Jardin des Plantes -
Levez la tête, vous verrez passer les hérons. Minces fuseaux de brume, bec accroché au vent, pattes ramant le ciel, filets gris de nuages naviguant à travers la pluie, ils glissent d'une rive à l'autre. A l'île Héron ils vont nicher. Tout le jour, d'île en île, de bateau en bateau, par les routes de l'eau et les routes du ciel, ils traversent la ville qui croit les ignorer dans son fracas de ville, mais qui ne vit, qui ne rêve, qui ne s'apaise et ne se pose que du long frôlement de leur aile, là-haut.
Un lieu se connaît par ses oiseaux. Dans mon village autrefois il y avait toutes ces tourterelles. Elles berçaient les soirs de leur "rou rou rou" tranquille comme une chanson douce, elles posaient sur les heures leur lent frou frou de soie et d'éventail. Plus tard, j'ai vécu dans un hameau hanté d'hirondelles rapides comme de courtes flèches et de faucons hiératiques.
Ici, c'est une ville qui rêve dans ses eaux et ses îles, c'est une ville que traversent les hérons.
De lieu en lieu, et de ciel en ciel, nous voyageons comme les oiseaux, portés par les nuages, au-dessus d'un monde plein de reflets.
Tout à l'heure, j'ai croisé boulevard Jules Verne un jeune Japonais. Il portait une lourde valise. Dans le regard une tristesse mêlée de légèreté, une fragilité prête à devenir force.
Brusquement j'ai pensé à toi. A toi étranger là-bas. Comme lui.