Fleurs
Cela m'a d'abord fait sourire... Semer des fleurs, et égarer leur nom. Planter quand même son petit panonceau dans le jardin des mots. Écrire "Fleurs" et "Blumen", en deux langues, pour semer plus profond. Y perdre son latin, et rateler l'espoir. Désherber les heures noires, éclaircir l'illusion. Puis ne rien récolter. Et ressemer encore.
Mais au fond, n'est-ce pas toujours cela, un jardin ? On y sème des graines qui sont aussi des rêves, que l'on cultivera, ou que l'on oubliera, que demain flétrira ou bien épanouira. Tout jardinier est un rêveur. Tout rêveur est un jardinier.
Je dis "fleurs", je sème le mot "fleurs". Et des bouquets s'éveillent derrière mes paupières closes, tous les parfums m'appellent, des arbres de printemps s'égouttent dans le bleu.
Je sème. Et puis... tant pis, c'est en moi que je sème, cela devient ou bien cela revient. Grain de folie qui infuse ou pourrit. Graine de ciel qui s'enterre ou ricoche. Aux averses jetée, au grand vent replantée. Il n'y a de jardin qu'incertain. Il n'y a de moisson que peut-être.