Sur le bord
S'extraire du noir et s'arracher au gris,
quitter la chambre étroite,
Sur la corde de fer
du balcon qui s'étire,
poser sa patte rousse
comme soleil et joie,
puis traverser en funambule
toute l'eau claire du ciel.
S'en aller...
S'avancer sur les toits,
courir sur les vagues du vent,
s'alléger s'envoler
se faire oiseau ou feuille,
rouler sur les nuages,
accrocher un rayon
aux branches bleues des astres.
S'évader...
Mais le mur est bien haut,
et le vent est bien froid.
Mais le sol est si sombre,
et là-bas tout en bas : cette flaque de sang...
c'est qu'on pourrait mourir...
Partir pourtant, partir,
tout élan le demande,
on sait qu'il le faudrait.
Mais le poids, le vertige
de la vie derrière nous
comment les oublier ?
Alors on reste un instant
sur le bord,
à fermer les yeux, à attendre
à rêver que l'on marche
bien au-delà de soi,
aux plages sans rivage
où les chemins s'effacent
et où les rêves battent,
comme des coeurs qui aiment,
la valse du bonheur.
Entre vouloir et être,
entre ciel et fenêtre,
entre force et tiédeur,
entre espoir et raison,
il est comme nous tous,
sur le bord,
immobile,
ce chat qui rêve d'un envol.
Dire qu'on l'a peint sur une fenêtre murée !