Par les armes du rêve
Saint-Nazaire - Blockhaus de la base sous-marine
Je l'avais si souvent rêvé, enfant, ce vol de ballons colorés qui m'aurait emmenée au loin, dans un souffle de fleurs et d'ailes, par dessus les rivières et les mers, comme Nils Holgersson.
C'était un de ces rêves délicats et naïfs qu'on jette, une fois grandi, comme un bouquet flétri, au grand tombereau des songes creux, des doux délires et des lunaisons vagues.
Et voilà que quelqu'un l'avait retrouvé, et l'avait déposé, toujours vivant, toujours enfant, là où jamais je n'aurais cru le rencontrer : sur le mur salpêtré et rouillé du blockhaus.
Prendre la réalité pour son désir, passer le béton des forteresses par les armes du rêve, semer sur les bastions l'esprit léger d'enfance, jeter sur les remparts l'ombre frêle du bonheur : je crois que c'est de bonne guerre. Ou de bonne paix. De bon espoir peut-être. Ou de belle utopie. Comme on voudra.