Effacement
A Trentemoult j'ai vu aussi cette peinture sur bois, rue de la Douane. On l'avait posée là pour rappeler les douaniers d'autrefois, affairés sur les quais sonores à surveiller les barges, les voiliers, les roquios, tous les bateaux de Loire qui se croisaient alors dans la vapeur, le remous des marées, et le claquement des voiles.
Revenus en fantômes monter leur garde lente, ils vieillissaient à la pluie, au soleil et au vent, ces douaniers fatigués. Sur l'image naïve comme un vieil ex-voto, ils se brouillaient, se délavaient, et peu à peu disparaissaient, avec le ciel trop bleu, les anciens parapets, les dockers en tricots de corps, les malles cerclées de fer, et les rivages industriels.
Du passé qui s'efface, nous voudrions si ardemment retenir la mémoire. Comme des chambres vides, nous ornons nos pensées qui se brouillent de tant de vieux tableaux qui à leur tour vont s'effaçant — Pour toujours, pour toujours, dit le fleuve.