Doute
Blois - rue du père Monsabre - octobre 2014
Il me plaît que ce soit justement ici qu'on ait installé cette étrange "fondation du doute". Car c'est à cet endroit, à cet endroit précisément, que se situe mon premier souvenir.
Je me vois toute floue mais c'est moi. Moi, ce moi toujours bien moi qui perdure dans le temps sans que jamais j'aie pu comprendre pourquoi il lui a fallu si souvent changer de visage et de voix. Montant ces marches grises qui me semblent si hautes. Tenant la main de ma jeune tante si blonde - celle qui dessine des Pierrots et des clowns, celle qui ne vieillira jamais, celle qui doit mourir et rester toujours jeune mais qui ne le sait pas, celle qui est si jolie et si gaie sous ses boucles. Elle me conduit là-haut, nous sommes seules immobiles au milieu du grand escalier, toutes deux côte à côte en équilibre sur les marches du temps. Je ne sais pas ce que nous faisons là, je ne sais de ce jour plus rien que cette image vague, mouvement arrêté sur la pellicule de mémoire.
C'est une image si difficile à lire, une image presque enfuie qui ressemble à ces photographies minuscules et pâlies que développe mon grand-père. Une image embuée de doute, où tremble l'avenir comme une boucle blonde.