Démontage
Je les ai surpris ce soir. Vêtus de sombre et démunis de lampe, ils démontaient en silence le manège de Noël. Surtout que les enfants ne voient pas, que les passants n'entendent rien, que les curieux regardent ailleurs...
Et le manège désossé n'était plus qu'un drôle de tourniquet mourant, un bizarre pilori où se pendaient des hommes, une rude machine à démonter la joie.
Il était temps, avait-on dit dans les bureaux là-bas, d'affronter ce qu'on appelle la réalité, de marcher laborieux au pas du bon soldat janvier, et d'oublier Noël.
Mais eux, sans se presser, faisaient tourner encore le mécanisme à demi arraché. Ils ne pouvaient s'en empêcher, de faire encore là-haut pour rien un dernier petit tour de manège...
C'est toujours si triste, quand on range au grenier les débris de la fête.
Quand on jette au bûcher le sapin desséché.
Quand on dépouille la pauvre façade en joie de ses guirlandes en toc et de ses pères Noël de chiffons.
Quand le musicien sort de scène avec son violoncelle et se perd dans la foule.
Quand le peintre décroche ses toiles après l'exposition et ne les trouve plus aussi belles.
Toujours on attend un peu. On salue une dernière fois, avant d'éteindre les lumières pour rentrer comme avant dans la nuit.
Nantes, 6 janvier 2014